Mission Rosetta : à qui appartiennent les planètes ?

Par Catherine Belzung

Les extraordinaires photos que le robot Phylae nous envoie de la comète Choury nous émeuvent et, après la lune et mars, nous nous surprenons à rêver à nouveau de conquêtes spatiales. Mais à qui appartiennent au juste ces territoires lointains ? A un état, à une organisation supra-étatique, à la communauté des humains, à personne ?

En 1966, en pleine guerre froide, un « Traité sur les principes régissant les activités des Etats en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, y compris la lune et autres corps célestes » a été adopté par l’Assemblée Générale de l’Organisation des Nations Unies. Il stipule, dans son article II, que l’espace extra-atmosphérique ne peut pas être l’objet d’une souveraineté ou d’une appropriation nationale. Et de fait, lorsque Phylea s’est posé sur Choury, aucun état, aucune organisation, aucune communauté humaine n’a considéré qu’il s’agirait d’une violation du territoire sur lequel il exerce sa souveraineté.

Mais il faut distinguer le concept de souveraineté de celui de propriété. Et justement, comme le traité en question ne parle pas de propriété privée, certains se sont engouffrés dans la brèche. C’est ainsi qu’en juin 2014, un homme d’affaire américain, Dennis Hope, a déclaré posséder la lune et s’est mis à la vendre arpent par arpents sur internet. On peut donc « acheter » un arpent (il s’agit d’une unité anglo-saxone, correspondant à 4047 m2) de lune pour la modique somme de 21,37 €. Et le prix est le même pour un arpent de mars ou de vénus. Cette acquisition inclut le droit d’exploitation des minerais qui s’y trouveraient. D’après Dennis Hope, on trouve des personnalités célèbres (incluant deux anciens présidents américains) parmi les acheteurs et il aurait déjà vendu pour plus de 11 millions de $ de « terres».

On peut bien sûr rire devant une telle prétention, qui témoigne aussi des extrémités jusqu’auxquelles parvient notre société de consommation, où il est désormais possible d’acheter un morceau de Vénus sur un site qui vend aussi des boîtes de chocolats. Mais le problème est en réalité plus préoccupant. Bien sûr, on peut toujours dire que tout ceci n’est qu’une pure vantardise, en invoquant des philosophes comme John Locke, qui disaient que pour qu’un droit de propriété soit légitime, il doit être reconnu par un gouvernement souverain, ce qui rend de fait les prétentions de Dennis Hope vaines. D’autres cependant invoquent une tradition selon laquelle celui qui occupe un territoire finit par en devenir le propriétaire. C’est ce qui s’est passé pour les fonds marins situés dans les eaux internationales, où certains organismes qui avaient envoyé des robots capables d’explorer les sites en question se sont ensuite considérés fondés à en revendiquer la propriété. De fait, cela a comme conséquence une terrible injustice, car si on suit ce principe, seuls ceux qui disposent des technologies ad hoc pourront de fait bénéficier de ce type de dispositions, ce qui exclut tous les autres et en particulier les pays pauvres. Si l’on considère les potentielles ressources minières, cela pose problème et la situation est exactement la même en ce qui concerne les espaces extra-atmosphériques accessibles par des robots, comme la lune, mars ou certaines comètes. Il est donc urgent de demander à des organisations internationales de tout faire pour mettre en place des dispositions protégeant ces espaces collectifs, afin d’en faire un espace res communis, pour le bien et dans l’intérêt de tous les pays du monde.

 

Catherine Belzung, membre du CA des Semaines Sociales

3 Commentaires

  1. J’aurais pensé à l’utilité d’exploiter ces espaces lointains.
    Il est intéressant de traiter ce sujet de cette façon et de dénoncer
    les paradoxes tels que de vendre des morceaux de ces espaces et
    même à des scientifiques..

Trackback pour cet article

  1. Premier article de blog – Le juste nécessaire

Laisser un commentaire à clémentine severin Annuler le commentaire