La question sociale revient en force.

Tous les 15 jours, retrouvez Pierre-Yves Stucki et sa chronique sur la pensée sociale et l’actualité avec Radio Jerico.

Chronique du 6 septembre 2016.

 

« Nous accueillons cette année sur l’antenne de Radio Jérico un nouveau chroniqueur. Bonjour Pierre-Yves Stucki.

– Bonjour Paul.

– Tous les quinze jours, vous nous proposerez de décrypter l’actualité à la lumière de la « doctrine sociale de l’Église ». En quoi cela va-t-il consister ?

– Eh bien je vous proposerai de revenir sur un fait d’actualité qui met en jeu les principes qui organisent notre vie collective. Il s’agira de relire ces événements avec l’éclairage d’un trésor magnifique, qui est la doctrine sociale de l’Église. La conviction qui m’anime, c’est que cette doctrine nous aide à renouveler la compréhension des questions sociales et éclaire notre discernement. Et c’est sans doute plus nécessaire que jamais, dans un monde qui se caractérise par une complexité toujours plus grande, où « tout est lié ».

– Vous vous référez à la « doctrine sociale » : est-ce que vous pouvez rappeler de quoi il s’agit ?

– On dit parfois que c’est « le secret le mieux gardé de l’Église » parce que ce trésor n’est pas assez connu. Il faut dire que le mot de « doctrine » n’a pas bonne presse. Pourtant ce mot est juste. Il évoque la rencontre de la pensée et de l’action qui se confrontent et s’enrichissent mutuellement. La doctrine sociale s’élabore dans un mouvement incessant entre :

  • les pratiques des communautés chrétiennes face aux nouveaux défis,
  • et le discernement des implications de l’Évangile dans le domaine social.

Frédéric Ozanam, une des figures du catholicisme social, disait que « l’Évangile est aussi une doctrine sociale ». En un sens, la doctrine sociale, c’est l’Évangile continué. Elle trouve sa synthèse dans une série de grands textes des papes, depuis Léon XIII en 1891 avec l’encyclique Rerum Novarum « sur la condition ouvrière ».

– Et alors, concrètement, que dit-elle, cette doctrine ?

– Au fil du temps, elle s’est enrichie et structurée autour de grands principes. Mais l’idée de cette chronique, c’est justement de présenter ces principes non par un exposé théorique, mais à partir de l’actualité. Pour monter que ces notions – dont les noms sont parfois connus : la dignité humaine, le bien commun, l’option préférentielle pour les pauvres, la destination universelle des biens, la solidarité, la subsidiarité, la participation – ne sont pas que des vieilleries théoriques mais bien des outils précieux pour aujourd’hui.

– Enfin, cela dit, Rerum Novarum a largement plus de cent ans maintenant. La réflexion de l’Église sur « la condition ouvrière » est-elle encore vraiment d’actualité à l’époque de la révolution numérique et des technosciences ?

– Oui, et plus que jamais. D’abord, elle s’est sans cesse enrichie et actualisée. Mais surtout, on voit bien, avec « l’uberisation » de l’économie, que les nouvelles technologies peuvent avoir de lourdes conséquences sociales. En réalité, depuis plusieurs années, on assiste au retour en force de ce qu’on appelait il y a un siècle la « question sociale ».

Bien sûr, l’actualité cet été a mis en avant les questions de sécurité. Mais rappelons-nous : tout le printemps a été marqué par le débat sur la loi travail et la fameuse « inversion des normes » qui est, très précisément, une question de subsidiarité. Et en cette rentrée, les producteurs de lait se battent pour obtenir un prix de vente qui couvre au moins leurs coûts de production, ce que soutient le « juste salaire » défendu par Léon XIII.

Souvenons-nous des conditions dans lesquelles a émergé la doctrine sociale au XIXe s.

  • D’un côté des conditions inhumaines des ouvriers en face de ceux qui détenaient le capital. Ces inégalités ont-elle vraiment disparu dans le monde ?
  • De l’autre, une sécularisation virulente qui visait à reléguer l’Église catholique hors du pouvoir politique, aboutissant à la loi de séparation en 1905. Or on revoit dans les débats actuels une volonté d’enfermer le religieux dans la sphère privée.

Pourtant « personne ne peut exiger de nous que nous reléguions la religion dans la secrète intimité des personnes, sans aucune influence sur la vie sociale et nationale, sans se préoccuper de la santé des institutions de la société civile, sans s’exprimer sur les événements qui intéressent les citoyens. » C’est ce qu’écrit le pape François dans Evangelii Gaudium.

Alors oui, la question sociale revient en force – non seulement dans la société, mais aussi dans l’Église. Les chrétiens ont montré dernièrement leur capacité de mobilisation sur les questions sociétales. Ils reprennent aussi conscience de l’urgence d’être engagés sur le terrain social.

La doctrine sociale n’est pas un concept enfermé dans des textes : c’est un sujet agissant en chacun des chrétiens engagés dans le domaine social et qui contribuent ainsi à « continuer l’Évangile ». C’est cela que je vous propose de découvrir ensemble cette année.

À bientôt pour la suite ! »

Laisser un commentaire