La Chine : un tournant salutaire ?

Par Marianne de Boisredon

A l’issue du Plenum du Parti communiste chinois, des décisions marquantes ont été prises et publiées le 29 octobre 2015. La fin de la politique de l’enfant unique, le choix de mettre le développement durable au cœur de sa stratégie et inciter toujours davantage à l’innovation, montrent le choix de la Chine de répondre à ses enjeux de long terme. Qui aurait pensé que la politique de l’enfant unique, lancée en 1979 par Deng Xiaoping serait si facilement abolie ? Les couples chinois sont maintenant autorisés à accueillir un second enfant : une ouverture bienvenue pour cette population vieillissante et stabilisée à un milliard 500 millions. Mais souhaitent-ils vraiment un deuxième enfant ? Le coût d’élever un enfant est tel que les jeunes parents urbains réfléchissent à cette opportunité autrefois inimaginable. Un vrai paradoxe alors que la porte leur en est aujourd’hui ouverte ! Nous ne pouvons néanmoins que nous réjouir de cette première étape vers une liberté de choisir la taille de sa famille.

Avec ses 15 % du PIB mondial, ses 25 % d’émissions de gaz à effet de serre, la Chine ne peut plus se voiler la face : elle est bel et bien engagée dans la lutte contre le changement climatique pour elle-même d’abord, avec le reste du monde ensuite. Xi Jinping rivalise avec les Etats-Unis en promettant une contribution à un fond vert pour le climat au moins égal à celui des américains. L’environnement est une priorité pour ce pays où les pollutions des fleuves, des sols et des eaux souterraines se diffusent conjointement à la croissance économique. L’air devient quasi irrespirable dans les grandes villes dont Pékin. Cette situation devient une question de santé publique. La stratégie chinoise tournée vers les énergies vertes – à l’origine pour les besoins des pays occidentaux – apparaît comme providentielle face aux défis environnementaux de la Chine. Ses investissements dans l’éolien et le solaire, de quelques 250 milliards d’euros ces dernières années viennent alimenter un marché intérieur pour une croissance verte. Le plan quinquennal 2016-2020 parle de « civilisation écologique » en favorisant les énergies propres au détriment du charbon. Encore une bonne nouvelle qui fait basculer le géant asiatique vers du « durable » et du « responsable » dans ses orientations.

Et l’innovation, si importante pour conquérir le monde, est depuis quelques décennies une quête chinoise. C’est la raison des partenariats avec les plus grandes firmes multinationales. Acquérir les technologies de pointe est la clé d’un leadership mondial. Grignoter des savoir-faire, former ses étudiants dans les universités les plus prestigieuses sont des réflexes pour assurer une hégémonie dans le temps. L’ambition du marché aéronautique chinois en est une belle illustration : 6330 avions neufs sont nécessaires d’ici 2034 pour répondre aux besoins des compagnies chinoises qui prévoient une augmentation du trafic annuel de 6,6 % sur les 20 prochaines années ! Se contentant dans un premier temps d’acheter 300 à Boeing (38 milliards de dollars) et 100 A320 et 30 longs courriers A330 chez Airbus (16, 6 milliards de dollars), la Chine exige qu’une partie de la production soit réalisée sur place.

Alors faut-il se réjouir ou s’inquiéter  de cette perspective ambitieuse de l’Empire du milieu ? Que la locomotive asiatique se mette en route est plutôt une bonne nouvelle pour le reste du monde d’autant plus qu’elle le fait avec une volonté « verte » qui attirera les capitaux et la recherche de pointe. Cet accent mis sur une « citoyenneté écologique » aiguisera l’innovation un peu partout. Mais cette évolution ne sera pas sans conséquence sur nos industries qui pour certaines trouveront des opportunités et pour d’autres verront la fin de leur « règne ». Que ce choix politique chinois vers du « durable » puisse entraîner dans son sillage les changements sur le terrain qui se feront au bénéfice de tous faisant entrer l’humanité vers plus de sagesse, sagesse qui est au cœur de sa tradition spirituelle.

Marianne de Boisredon est membre du Conseil d’Administration des Semaines sociales de France.

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