Par Catherine Belzung
L’invitation faite à Marion Maréchal-Le Pen, députée du Front National (FN), à prendre la parole le 29 août dans une université d’été catholique (les Universités d’été de la Sainte-Baume (Var)) fait polémique. L’élue du parti d’extrême droite y est conviée avec d’autres personnalités politiques, surtout de droite mais aussi de gauche, dans « un esprit de dialogue ». Leur point commun ? Professer la foi catholique.
Cette rencontre a été initiée à la demande de Mgr Dominique Rey, évêque du diocèse de Fréjus-Toulon, et elle est co-organisée par l’Observatoire sociopolitique de ce diocèse et les Dominicains de la province de Toulouse ; c’est la première fois qu’un élu du FN est invité à s’exprimer par un diocèse. Y a-t-il lieu de s’en offusquer ? Après tout, le christianisme ne prône-t-il pas le dialogue avec tout un chacun ? La charité ne consiste-t-elle pas à éviter de stigmatiser quiconque, en particulier les protagonistes d’un courant de pensée largement exprimé dans l’opinion publique ? La démocratie ne consiste-t-elle pas à laisser chacun défendre ses opinions ?
D’après le site de l’événement (http://agenda.frejustoulon.fr/osp/universites-ete/0/26-08-2015/ ), l’objectif de la rencontre est de «former les jeunes chrétiens à la doctrine sociale de l’Eglise ». Et c’est peut être de là que vient le trouble. Car les lignes de force du discours du FN national sont radicalement opposées aux grands principes de la Doctrine Sociale de l’Eglise. Par exemple, comment concilier les idées de ce parti sur l’immigration avec les principes de justice, de solidarité, de destination universelle des biens et d’option préférentielle pour les pauvres prônés par la Doctrine Sociale de l’Eglise ? Voilà qui semble impossible..
Si l’idée de dialoguer avec tout un chacun n’est pas choquante en soi, et pourrait même être encouragée (même s’il faut considérer aussi que la banalisation du discours du FN que cela suppose peut être politiquement désastreuse), quand il s’agit de former des personnes à des principes comme ceux de la Doctrine Sociale de l’Eglise, il faudrait peut être demander aux orateurs potentiels de signer une charte leur demandant d’accepter de s’engager envers ces principes. Cela garantirait l’absence de contradictions entres les objectifs de la rencontre, et les discours des invités. Pas sûr que cela ait été fait dans le cas de l’Université de la Sainte-Baume.
Catherine Belzung, membre du CA des SSF
Je ne crois pas que l’idée de faire signer une charte aux intervenants soit excellente. En réalité il faut surtout se rendre compte que le FN n’est pas un parti comme un autre. Que le populisme qui le maintient dans l’arène politique a son fonctionnement propre, ainsi que nous l’avons expliqué ici même en 4 tribunes bien nourries. Que le populisme a, en France, un nom, le Front national, et un visage, la famille Le Pen.
L’idée est que pour débattre, il faut partir de points communs. Il est assez évident qu’un élu adhérant aux thèses du FN aurait du mal à signer une telle charte sans se contredire. Cela permettrait donc d’accepter ou d’exclure des personnes à un tel débat sur une base objective (ne pas être capable de signer une charte) plutôt que sur des arbitraires (l’impression d’être exclu sur une base arbitraire est le terreau du discours de victimisation fait pas le FN)
Je fais partie de ceux qui ont émis les plus vives réserves vis à vis de cette invitation à Marion Maréchal le Pen. Certains m’ont objecté qu’il est difficile de comprendre comment un «chrétien d’ouverture» peut prôner par ailleurs le refus de débattre avec le Front National. Comme Mgr Olivier Ribadeau Dumas j’estime simplement que : «Nous pouvons inviter des responsables du FN à dialoguer, mais pour leur exprimer notre désaccord sur un certain nombre de points.»
Or, force est de constater que la spécificité du diocèse de Fréjus-Toulon, la personnalité de Mgr Rey, les travaux publiés par son Observatoire diocésain, la tonalité des précédentes universités d’été de la Sainte-Baume donnent à penser qu’en invitant Marion Maréchal le Pen, on est plutôt ici dans l’entre-soi que dans le dialogue exigeant au sens du porte-parole de la Cef.
En attendant de disposer du script des propos tenus ce dimanche, on peut déjà se reporter à l’interview de la petite fille de Jean-Marie le Pen, dans Famille Chrétienne, la semaine dernière. Extraits : « Les chrétiens en politique avaient pris l’habitude de se faire discrets de peur d’être taxés de conservateurs. (…) Au FN, c’est un peu différent, car les catholiques n’ont pas vraiment besoin de changer la ligne qui leur convient.(…) C’est pour moi important de rencontrer des catholiques qui défendent des valeurs auxquelles je tiens. Avec eux, il est possible de dépasser les clivages et de construire un avenir meilleur.»
Exégèse rapide : apparemment il n’était, dans le passé, de chrétiens engagés en politique qu’à droite ; ou s’ils étaient engagés ailleurs, ils ne pouvaient pas se revendiquer chrétiens… les chrétiens qui avaient peur d’être taxés de conservateurs se trouvent désormais au FN comme chez eux, au point de n’avoir même pas à changer la « ligne » du parti. Et Marion Maréchal le Pen pense pouvoir dépasser les clivages… en rencontrant ceux qui partagent ses valeurs, bref qui pensent comme elle ! Bonjour l’ouverture et le dialogue ! Ajoutons à cela qu’aucune question qui fâche ne lui ayant été posée, elle n’a pas eu à répondre ! CQFD.
Ce n’est pas à proprement parler ce qu’on peut appeler dialogue.
Mrg Rey au minimum fait preuve de naïveté et en l’espèce ce n’est pas innocent ,cela revele bien des choses sur sa vision de la formation des jeunes catho et de leur apprentissage de la Politique.inviter a quelques semaines des regionales la chef de liste du FN en Paca et donc du diocèse de Toulon est un faute lourde de discernement car a l’évidence elle favorise l’instrumentalisation de l’église catho par la candidate,les médias n’ont pas manqué de le faire aussitôt.C’est d’autant plus chocant que l’on sait madameMarion Mareschal au diapason de l’idéologie de son grand père dont les idées condamnées a plusieurs reprises par l’église de France.Ce n’est passée ment une mise au point utile du pere Ribadeau Dumas qui est requise mais une ferme condamnation par la hiérarchie de l’église au niveau qui convient de l’initiative délibérée de Mrg Rey et de quelques autres que font les dominicains de Toulouse dans cette galère ,Maintenir l’ambiguïté preparerait des dérapages eau oup plus grands dans les semaines à venir,
En réalité, outre la question de principe (dialoguer ou non), la question est aussi de savoir qu’est ce qui sert le plus le FN: être victimisé ( ce que déclenche en réalité l’ostracisme) ou sembler fréquentable (ce que peut déclencher l’accueil à échanger qui a été fait par Mgr Rey).. Jusqu’à présent, l’ostracisme a plutôt beaucoup fait monter le FN, me semble-t-il. Faut-il alors aller dans cette direction?