Fin de vie, une question de choix… budgétaire

Par Alberte Luciani

« Par une sédation profonde et continue sans alimentation ni hydratation… » Ces termes me font froid dans le dos.

J’ai vu mourir mon papa. Il avait 54 ans et moi 14. Il souffrait. C’était terrible. Mais il est mort chez lui entouré des siens. C’était humain. J’ai vu mourir ma maman. Elle avait 97 ans. Signe des temps, elle est morte à l’hôpital et c’était inhumain.

Pourquoi ? Non pas parce qu’elle avait été mal soignée ou maltraitée. Non. Parce que tout était froid, impersonnel, parce qu’il est difficile de rencontrer les personnes qui pourraient vous informer clairement, parce que le personnel n’est pas formé aux fins de vies, pas formé pour conseiller, aider les mourants et leurs proches.

De nos jours une fin de vie digne et sereine devrait être permise pour tous dans un établissement de soins palliatifs avec du personnel formé pour cela.

Imaginez-vous vraiment aujourd’hui la fin de votre propre vie ?

J’ai connu une personne qui après un accident de la route voulait que s’achève sa vie tellement sa dépression et ses souffrances lui étaient intolérables. Et maintenant, des années après, elle parle avec effroi de ces moments et profite de ses petits-enfants tant bien que mal mais avec bonheur.

Comment mesure-t-on le niveau de la douleur physique ou de la souffrance psychique insupportable ?

Et que dire de la personne seule, fragilisée par l’âge et la maladie, qui se retrouve dans l’atmosphère technique et aseptisée de l’hôpital. N’aura-t-elle pas l’impression d’être de trop, inutile, coûtant cher à la société ? N’en sera-t-elle pas influencée pour un éventuel choix de fin de vie ?

La loi Léonetti semble assez équilibrée ; en tous cas elle existe. Si elle est si peu connue et mise en application c’est peut-être qu’elle fait peur et ne colle pas vraiment aux aspirations des gens.

Alors pourquoi vouloir aller plus loin ? Quand j’entends certains députés dire que le nouveau texte discuté à l’Assemblée Nationale ne va pas assez loin, je considère que l’on rouvre la porte à l’euthanasie active. Nous entrons là dans le domaine de l’idéologie. Or les questions de société concernent chaque individu.

Les politiques ne s’arrogent-ils pas trop de droits en notre nom ?

Les gouvernements ont-ils le droit de jouer avec le feu ?

L’ouverture d’établissements de soins palliatifs coûte cher et la France est très en retard dans ce domaine. C’est une question de choix budgétaire et ça c’est un vrai sujet pour nos représentants politiques.

Alberte Luciani, membre du Conseil des SSF.

Sur cette question, voir aussi l’appel de représentants des trois grandes religions monothéistes

3 Commentaires

  1. Jean-Pierre

    La loi Léonetti, qui représentait une réelle avancée, a été votée, fait rarissime, à l’unanimité. Dès maintenant nous savons que ce ne sera pas le cas de cette deuxième loi, trop tiède pour les uns, trop hardie pour les autres. Elle représente en tous les cas l’extrême limite de l’exercice législatif.
    Alberte Luciani a bien raison : Puisque la limite du consensus a été atteinte, c’est maintenant aux politiques de donner de la robustesse à la loi par l’engagement financier à soutenir la promotion des soins palliatifs en France.

  2. Mathieu Monconduit

    Il y a eu des crédits pour la promotion des soins palliatifs, 230 millions d’euros pour le programme de leur développement entre 2008 et 2012 ( soit environ 1 millième des dépenses annuelles de santé !). Le dernier rapport de la Cour des Comptes, http://www.sfap.org/pdf/cour-comptes-2015-soins-palliatifs.pdf
    , a pointé l’hétérogénéité de la répartition des lits dédiés , des équipes et réseaux de soins palliatifs ainsi que la faiblesse de la culture « soins palliatifs » particulièrement à l’hôpital, là où près de 6 décès sur dix ont lieu. La CDC a aussi regretté l’absence de données correctement collectées sur ce sujet , signe interprété comme traduisant un faible intérêt des acteurs de santé.
    Cela n’est pas un effet du hasard. Quand les premiers crédits spécifiques sont arrivés pour créer des lits dédiés (= doter de personnels supplémentaires certains services), créer des équipes mobiles ou des services de soins palliatifs, ceux-ci ont bien souvent servi à combler les insuffisances de personnels constatées dans des services. Ces postes furent ou non étiquetés « soins palliatifs » et servirent , notamment, à détendre des tensions dans des établissements ou des régions structurellement sous dotés depuis des décades. Cette priorisation vers les soins « actifs » était , est toujours, en accord avec la culture soignante dominante et avec les attentes des publics, de faire de l’hôpital un lieu rassemblant toutes les ressources techniques et humaines pour des soins repoussant les limites de la mort. Il y a un gradient d’attention à l’accompagnement simple de la personne malade qui croit du médecin à l’agent de service hospitalier , en passant par l’aide soignante et , tout près du médecin , l’infirmière.
    L’observatoire de la fin de vie, http://www.onfv.org/rapport-2013-fin-de-vie-des-personnes-agees/
    avait relevé que dans les EHPAD ( établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes)le taux de transfert à l’hôpital pour les derniers jours était moindre si cette structure disposait d’un médecin formé aux soins palliatifs et surtout , d’une infirmière présente la nuit , ce qui a effectivement un coût…Mais , dans ces établissements , seules 3% des personnes hébergées avaient rédigé des directives anticipées, en particulier pour exprimer leur désir de ne pas être transférées à l’hôpital en cas d’aggravation.
    La mobilisation d’une équipe de soins palliatifs , à l’hôpital , en EHPAD , ou encore trop rarement , à domicile, se prépare ; il ne peut y avoir d’accompagnement vrai, au-delà d’un soulagement des symptômes , sans connaissance réciproque , sans le début d’une acceptation d’une vérité sur la situation clinique.

  3. Jean-Pierre

    Merci pour toutes ces précisions. Je persiste cependant : 1/1000°, c’est infime. Ce que l’on appelle du saupoudrage. Cela traduit le manque de volonté politique de cette époque et dons le incohérences pointées par la CDC. Relever de façon très importante ce pourcentage (aller jusqu’au 1% symbolique) pourrait constituer un signe fort, permettrait de mieux structurer et contrôler l’apport afin qu’il soit réellement dédié, en conséquence de consolider les données collectées, de préparer les équipes, de dédier une part de l’effort à la communication etc. Est-ce utopique ?

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