Par Jean-Pierre Rosa
Le Tribunal de Grande Instance de Grasse vient d’autoriser le 21 novembre dernier un couple à faire conserver par une biobanque privée britannique le sang du cordon ombilical de leur enfant – une petite fille née le 14 décembre. Cette conservation est payante – elle donne lieu à un bénéfice pour la société britannique – et il est stipulé que les cellules conservées ne pourront être utilisées que par les personnes que la famille autorisera à en bénéficier.Ce jugement introduit une brèche dans la loi de bioéthique de 2011 qui avait autorisé le prélèvement et la conservation du sang de cordon ombilical, mais uniquement pour effectuer un don anonyme et gratuit.
D’un point de vue juridique en effet il risque de remettre en cause le principe de gratuité du corps humain et de ses produits (sang, sperme…). En effet, si, en l’espèce, le principe de gratuité du sang lui-même est sauf, en revanche sa conservation du sang devient l’objet d’un commerce très vif, d’autant plus déplaisant qu’il repose sur une chimère. De là à franchir le pas de la commercialisation du corps et de ses produits, il n’y a pas loin.
Mais la question se pose aussi sous l’angle psychologique. Le cordon sert de lien vital entre le fœtus et la mère jusqu’à la naissance. A ce moment, le fait de le couper manifeste et constitue la toute première autonomisation de l’individu né.
Conserver pour soi et pour son enfant ce cordon (ou le sang qu’il contient), revient, en l’absence de toute recommandation médicale clairement établie, à refuser de « couper le cordon ombilical ». En bref, à rester dans une relation fusionnelle utérine mortifère.
Accéder à la demande des parents, c’est non seulement introduire une brèche dans le principe de gratuité mais c’est aussi ratifier leur désir – certes inconscient – de toute puissance fusionnelle à l’égard de leur enfant. Loin de rendre justice à qui que ce soit, loin de permettre un hypothétique « soin » futur, ce jugement – qui pourrait s’appeler un « anti-jugement de Salomon », risque de nuire à l’équilibre de l’enfant.
Nous avions milité en son temps pour que le droit français soit à la pointe de la non marchandisation du corps humain. Et nous avions été heureux de voir que nous avions été suivis. Nous constatons aujourd’hui que les forces narcissiques à l’œuvre dans un certain nombre de personnes et chez certains couples demandent d’aller plus loin et de sanctuariser définitivement par le droit le corps humain et ses « produits ». Au besoin en s’opposant à la demande de certains parents. Le droit doit protéger les personnes, parfois contre elles-même.
Nous espérons que le législateur aura à cœur de se pencher sur ce jugement et qu’il comprendra la nécessité de prévoir – au-delà de ce cas précis – un outil pertinent et universalisable permettant de réaliser cette sanctuarisation.
A l’heure où la GPA continue à faire débat, il y a là un enjeu éthique de première importance.
Jean-Pierre Rosa, membre des SSF
Image : ABM
Les USA, l’Allemagne , entre autres pays ( environ 60%), peuvent rémunérer les donneurs de sang, notamment pour compléter leur stock insuffisant de donneurs bénévoles. Si l’OMS promeut la gratuité, c’est autant sinon plus pour réduire le taux de dons à risque de contamination ou d’effets dommageables pour le donneur , que par altruisme. La question de la gratuité est prééminente dans la Transfusion française , mais n’est donc pas un dogme universellement admis.
Non, certes, mais on peut militer pour qu’il le devienne.