Voter : un devoir moral ?

Par Catherine Belzung

A l’approche des élections départementales et face à la crainte d’un taux d’abstention record, on peut s’interroger : est-ce que voter est un devoir moral ? Notons pour commencer que voter est d’abord un droit, acquis de haute lutte à l’issue d’un combat éprouvant, et inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme depuis 1948, quasiment 100 ans après que Victor Hugo ait proclamé lors du Discours d’ouverture du congrès de la paix qui s’est tenu à Paris en 1849 « Un jour viendra où les boulets et les bombes seront remplacés par les votes, par le suffrage universel des peuples ».

Cependant, la mention inscrite sur nos cartes d’électeurs nous invite à faire un pas de plus. En effet, peu s’en rendent compte mais elles portent la mention «Voter est un droit, c’est aussi un devoir civique ».

Bien sûr, la notion de « devoir civique » est différente de la notion d’obligation (en France le vote n’est pas obligatoire, contrairement à ce qui existe dans certains pays comme la Belgique), car au final, nous restons libres de voter ou non. Le devoir civique se distingue également de la notion de devoir moral en cela que le devoir civique concerne l’obligation d’accomplir ce qui est recommandé par une loi (et de ne pas accomplir ce qui est défendu par la loi) ou par une organisation sociale (voter, faire son service militaire, respecter la liberté d’expression, etc) alors que le devoir moral concerne l’obligation de suivre sa conscience.

En quoi voter pourrait être un acte moral ? A l’évidence, ce n’est pas le fait de voter en soi qui peut constituer un acte moral. Ce qui est moral c’est plutôt de voter avec sa conscience de façon à faire progresser le bien commun. Avec sa conscience : ce n’est manifestement pas moral de voter sans s’être informé, sans avoir lu les programmes des candidats, sans avoir réfléchi ou en agissant selon ses émotions ou selon le look des candidats. Pour faire progresser le bien commun : cela signifie qu’il s’agit, avant de mettre son bulletin dans l’urne, de réfléchir si le choix réalisé permet réellement de faire progresser la société et de protéger les plus faibles.

Mais si ce qui est moral est de voter d’une façon juste, le corollaire est que l’abstention peut dans certains cas être immorale, en particulier lorsque le fait de ne pas exercer son droit de vote peut favoriser la venue au pouvoir de groupes qui ne promeuvent pas l’intérêt général.

Les 22 et 29 mars prochain se tiendront les élections départementales, qui vont nous permettre d’élire un binôme (homme et femme) qui représentera notre territoire au conseil départemental. D’après la loi du 27 janvier 2014, leur compétence concerne l’aide sociale (gestion du RSA), l’autonomie des personnes (personnes handicapées, protection de l’enfance) et la solidarité des territoires.

Alors votons, en choisissant ceux qui seront les mieux à même d’assurer ces fonctions si essentielles pour le vivre ensemble.

Catherine Belzung, membre du Conseil des SSF

7 Commentaires

  1. Jean de Bodman

    Je ne comprends pas le 4°§ de ce texte qui affirme que : « à l’évidence », « le fait de voter ne constitue pas un acte moral »…
    Depuis que le vote blanc est pris en compte , ne pas voter me paraît au contraire , et « à l’évidence », un acte immoral!
    Je laisse aux philosophes le soin d’argumenter, mais je ne comprends pas , dans le contexte indiqué (le vote blanc est désormais comptabilisé), le commencement du début de l’éventuel « moralité  » de l’abstention à un scrutin démocratique! Comment la question peut-elle même se poser parmi les adhérents des SSF?
    PS pour l’envoi de ce commentaire, je signale au webmestre du site que « commentaire  » s’écrit avec deux m

  2. Catherine

    Je pense que la réponse à cette question se trouve dans la phrase suivante du billet. Voter n’est pas moral en soi, c’est à dire n’est pas suffisant à constituer un acte moral, puisque mettre un bulletin de vote dans une urne, sans tenir compte de certains grands principes ( justice, fraternité), n’est pas moral. Ou même, si on se trouvait dans une situation dans laquelle ces grands principes étaient menacés, voter blanc ne serait pas moral, puisque faciliterait l’arrivée au pouvoir de groupes qui ne partageraient pas ces principes.

  3. CR

    Effectivement nous avons la chance d’avoir le droit de vote et devons nous en servir le mieux possible. Parfois on a l’impression que le système est un peu usé et que les consultations ne servent pas à grand chose voire à rien du tout.

    Je ne vois pas pourquoi l’abstention serait non morale. Je la vois plutôt comme un acte qui interroge un système. Ce n’est pas parce que l’on ne se déplace pas que l’on n’a pas de conscience morale. Une telle « prise de parole » est bien un acte moral dont on ne tient jamais compte.

    On se contente de constater ce phénomène et de l’interroger, mais sans jamais y apporter de remède.

    il est tout à fait logique dans ce cas qu’un parti comme le FN en profite pour proliférer.

  4. Pomme

    Bonjour,
    Il me semble que la distinction entre devoir moral et devoir civique est fausse et induit en erreur. J’ai cherché un peu partout une définition du devoir civique et je n’en ai trouvé aucune qui soit satisfaisante. Soit le devoir renvoie à une obligation légale (et en ce cas nous sommes en Belgique !), soit il renvoie à une obligation … morale et en ce cas il ne se distingue pas de la morale tout court.
    Mais peu importe : le devoir moral de voter nous renvoie en fait à la vieille distinction entre morale de conviction et morale de responsabilité. Le convaincu pourra ainsi chercher à faire avancer la cause du « vote blanc » et le responsable estimera quant à lui que le vote blanc – puisqu’on n’en tient pas compte même s’il est décompté (Cf loi de février 2014) – est en réalité un vote par défaut pour le parti qui arrive en tête des sondages et suffrages.
    Quant à l’abstention, il me semble qu’elle est encore moins « morale » et « responsable » que le vote blanc puisqu’elle n’implique aucune démarche positive (mettre un bulletin blanc dans l’enveloppe et se déplacer). Qui peut déchiffrer l’intention d’une abstention un jour où le soleil brille et où les électeurs potentiels peuvent être tentés par une ballade en montagne ou une partie de pèche ?

  5. CR

    Cher Pomme,

    je suis horrifiée de vos propos. Je ne vois pas en quoi l’abstention serait moins « morale » et moins « responsable » que le vote blanc ou le vote tout court.

    je pense que l’abstention peut-être un choix réfléchi qui marque un réel éloignement vis-à-vis d’un système qui n’est préoccupé que de sa propre survie.

    Dans le contexte actuel , elle a encore de beaux jours!

  6. Catherine

    Bonjour à tous,

    Concernant l’abstention, je pense qu’il faudrait distinguer deux cas: a) l’abstention militante, qui est une expression politique b) l’abstention résultant de l’indifférence aux enjeux de société. Il me semble que la seconde forme ( l’abstention par indifférence) ne peut pas être considérée comme un acte moral, car l’acte moral requiert une action délibérée. Par contre, concernant l’abstention militante, elle peut être remplacée par un vote blanc. En outre, dans les cas où le vote risque d’aboutir à des choix de société qui ne garantissent pas le respect du bien commun, il serait tout de même utile de voter autrement que blanc ou de ne pas voter

  7. lichter

    Ne pas voter , c est tout simplement ne pas s impliquer , donc ne pas se plaindre et subir et surtout dans rien dire, c est logique non , qui ne dit rien. Consent cqfd

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