Par Antoine Arjakovsky
Le concile de l’Eglise Orthodoxe qui s’ouvre le 17 juin 2016 à l’Académie orthodoxe de Chania en Crète va tenter de résoudre les discordes qui paralysent cette Eglise depuis au moins un siècle. Mais ce faisant il risque de précipiter un schisme, couvant depuis de longues années, entre les Eglises Orthodoxes reconnaissant une primauté d’honneur au patriarcat de Constantinople et celles privilégiant le patriarcat de Moscou.
Derrière cette querelle sur le leadership se profile aussi une opposition croissante entre les courants zélotes, voire néo-fondamentalistes, et les mouvements prosélytes ouverts à l’œcuménisme, mais aussi entre les tenants de la symphonie byzantine et les opposants à la confusion de l’Eglise et de l’Etat. Plus fondamentalement encore, ce schisme résultera de la lutte entre les tenants d’un retour à la civilisation soviétique, « fondée sur les bases morales du christianisme »2 selon le patriarche Kirill, et ceux qui s’opposent aux visées expansionnistes de la Russie et considèrent le régime soviétique comme totalitaire et anti-chrétien.1
En effet, au 15 juin 2016, 4 Eglises autocéphales (Eglise de Bulgarie, Eglise de Géorgie, patriarcat d’Antioche, Eglise de Russie), sur 14 ont fait part de leur refus de participer au concile (plus précisément, ils proposent un report, ce qui en l’occurence correspond à un refus). . Ceci alors que toutes les 14 Eglises sans exception avaient accepté le communiqué de la conférence de Chambésy du 28 janvier 2016 annonçant la tenue du concile pour la fête orthodoxe de la Pentecôte le 19 juin 2016.4 Face à la contestation de son leadership à 15 jours de l’événement le patriarcat œcuménique a maintenu la tenue du « saint et grand concile » et a déclaré que ses décisions seront légitimes pour toute l’Eglise Orthodoxe. Le patriarcat de Moscou a fait savoir pour sa part qu’il ne pourra accepter ses décisions.
On avait averti en février dernier des difficultés dans la préparation du concile, des lacunes du consensus pré-conciliaire et des risques que comportaient les décisions prises à Chambésy notamment en matière de règlement.5 Mais on avait aussi souligné l’importance d’un tel concile qui, malgré ce qu’en disent certains observateurs, n’est pas une nouveauté puisque, au moins jusqu’au XVIIe siècle, les Eglises Orthodoxes sont parvenues à se réunir au-delà de leurs affinités nationales. Le débat qui a suivi au sein du monde orthodoxe a poussé les Eglises à clarifier leurs positions. Mais le non-dit au sujet de la guerre russo-ukrainienne et à propos de la revendication d’autocéphalie de la deuxième Eglise Orthodoxe chalcédonienne dans le monde, l’Eglise ukrainienne, ont eu raison du processus pré-conciliaire.
Antoine Arjakovsky, Fondateur de l’Institut d’études œcuméniques de Lviv