Par Mathieu Monconduit
La campagne présidentielle incite à la créativité. Stimulés par des propositions décapantes sur la réduction du déficit public et la mise à contribution des acteurs de l’Assurance privée, aiguillonnés par de vieux scandales venus de pollueurs en santé tolérés par l’UE, des engagements concernant la santé sortent des tiroirs, donnant l’impression d’une vaste surenchère.
Certaines font consensus, telles l’amélioration de la prise en charge par l’assurance maladie de frais de soins dentaires, d’audition, de lunetterie ou la réduction des déserts médicaux….au point de se demander pourquoi depuis vingt ans elles n’ont pas été mises en œuvre ! D’autres (actions pour une santé environnementale, évaluation de l’utilité des soins, régionalisation, équilibre des recettes et des charges… ), pourraient avoir vocation à être inscrites dans une politique globale de santé alors que leur présentation actuelle ressemble davantage à un patchwork rapiéçant une vieille couverture chaque composant répondant à une vision philosophique propre.
Depuis 70 ans , l’Assurance Maladie a façonné notre système de santé et son principe fondateur (chacun bénéficie contre le risque et les conséquences de la maladie, d’une protection qu’il finance selon ses ressources), a largement participé à la solidarité de notre société.
Or, face à la gravité des alertes sur le caractère solidaire du système de santé ou sur la prise en charge des personnes malades, l’ambition doit être d’un autre niveau. Ainsi, le qualificatif « solidaire » est-il toujours adapté quand ce système ne sait équilibrer ses charges que par le recours à une dette transmise aux générations suivantes ?
Quand les mesures d’éducation à la santé et à la prévention ne sont que parcimonieusement engagées alors qu’elles sont particulièrement utiles aux personnes socialement les moins favorisées et réduisent la survenue de 2/3 des affections chroniques ?
Et comment qualifier les dérives facilitées par le développement des « complémentaires », avec une graduation de l’accès aux soins qui devient fonction de la prime d’assurance et de la solvabilité ainsi restituée ? …
Que devient par ailleurs la qualité des prises en charge si la technicité des actes dévore peu à peu le temps du soin à la personne ? Leur multiplication, si elle garantit les revenus de certains, ne saurait assurer qu’ils répondent aux besoins de la personne. Ce décalage, souvent ressenti par les soignants, est un des déterminants de leur propre souffrance. Des aberrations économiques et fonctionnelles des prises en charge – dont pâtissent particulièrement les personnes porteuses d’un handicap ou vieillissantes – sont induites par l’absence d’unité entre secteurs sanitaire et social, marquée par des organisations, des financements et des pilotages distincts.
Ces alertes signalent qu’une actualisation en profondeur est nécessaire pour garder la valeur fondatrice du principe de l’Assurance Maladie et ses effets bénéfiques. Un effort collectif de réflexion à partir de quelques questions peut contribuer à cet « aggiornamento »:
-le soin que nous dispensons répond il aux besoins de santé, à l’évolution de ces besoins tout au long de la vie, à leur diversité géographique ?
-Comment décloisonner les acteurs et les multiples structures concourant à la santé, avec quels effets sur leur financement ?
-Quels métiers de la santé pour demain, avec quel usage des NTIC?
-La solidarité peut elle faire l’économie d’une responsabilisation de chacune des parties ?
-Comment le financement de cette solidarité peut il allier soutenabilité économique et équité ?
Faute d’aborder ces questions et leurs connexions, nous laissons se creuser le fossé au bord duquel notre cohorte avance aux pas chancelant des anciens, des handicapés , des blessés en tous genres. Nous ne pouvons nous satisfaire de réponses cosmétiques, alors que nous percevons l’enjeu sociétal d’un système de santé, dernier ciment reconnu de solidarité entre tous. A celles et ceux qui souhaiteraient et pourraient se déplacer le 12 mai à Strasbourg, nous proposons une journée d’étude, intitulée « La Sécu, jusqu’où ? quelle solidarité et quel soin pour notre système de santé » qui se déroulera à l’université de Strasbourg.
Mathieu Monconduit, membre du CA des SSF, en charge du groupe « Santé »