Par Jacques Muller,
La France fait partie des pays développés dans lesquels les enfants et adolescents sont les plus exposés aux messages publicitaires à la télévision, notamment dans les programmes qui leur sont dédiés. Un nombre croissant d’études a démontré le caractère néfaste de cette surexposition : surpoids, obésité infantile, obsession consumériste, affaiblissement de l’autorité parentale, hyper-sexualisation, etc. Véritable pilier des stratégies marketing, les enfants sont appréhendés à la fois comme consommateurs, futurs consommateurs et prescripteurs des décisions économiques de la famille. Ainsi 40% des parents estiment qu’il est devenu très difficile de résister aux demandes d’achat des enfants au regard de la pression sociale, et 76% de ces demandes sont liées à une publicité d’après une étude récente .
Cette situation m’avait conduit à déposer en décembre 2012 une proposition de loi portant sur la « protection des enfants et adolescents des effets de la publicité télévisuelle ». Mon départ précipité du Sénat a fait qu’elle n’avait pas pu être discutée en séance publique. C’est pourquoi je me réjouis profondément qu’elle ait été reprise par le sénateur André Gattolin et améliorée sensiblement pour prendre en compte l’évolution de la situation des chaînes de télévision publiques et privées.
Au delà des risques sanitaires, l’inoculation du « virus de l’hyper consommation » dès le plus jeune âge relève d’un problème de société, voire de civilisation. En effet l’addiction à la consommation, socle du « modèle » proposé par les pays riches au reste du monde, est destructrice tant sur le plan humain qu’environnemental. Il s’agit d’une question de fond qui sous-tend les négociations difficiles au sein de la future COP 21… et engage l’avenir de l’humanité
Les contacts pris par le rédacteur de la loi auprès de ses collègues sénateurs, issus de différents groupes politiques, laissent à penser que celle-ci peut être majoritaire au Sénat lors du vote du 21 octobre prochain. Mais il est essentiel que d’ici cette date la société civile s’exprime sur le sujet car les lobbies tentent aujourd’hui de briser ce qui est en train de prendre forme.
Il s’agit notamment des annonceurs publicitaires qui défendent bec et ongles (et pour cause) « l’autorégulation » actuellement en vigueur, les industries de l’agroalimentaire ainsi que certains défenseurs de télévision publique dont l’approche reste strictement et dramatiquement financière. A cet égard on est en droit de penser que la protection de nos enfants et la mise en cohérence du service de télévision public avec sa mission d’intérêt général valent bien les 10 millions€ de manque à gagner en termes de recettes publicitaires, soit 0.5% de son budget global qui s’élève à 2 milliards €.
Jacques Muller, ancien sénateur EELV
Cf le site : www.andregattolin.net