Par Jean-Pierre Rosa
Selon un sondage récent, les catholiques ont davantage voté FN que la moyenne des Français – 32 % contre 28,4 %. Certes, on peut toujours se rassurer en disant que les catholiques pratiquants, eux, votent moins FN que l’ensemble des Français. Mais plutôt que de s’alarmer ou de s’indigner, attitude qui ne fait que renforcer la protestation, essayons de comprendre.
De façon sans doute un peu schématique, mais fondée sur plusieurs études, les catholiques mettent volontiers en avant leurs valeurs morales et l’identité catholique qui les porte. Guidés par une éthique forte, ils aiment défendre des causes généreuses et donnent volontiers de leur argent et de leur temps dans l’associatif. En revanche, même s’ils votent davantage que la moyenne des Français, ils s’investissent peu dans un monde politique qu’ils jugent immoral et corrompu. Non seulement mais ces bons citoyens se sentent de moins en moins reconnus par une laïcité intransigeante qui les atteint alors qu’ils y sont attachés ! Tentés par le réflexe identitaire, ils voudraient que l’on parle plus d’eux. Enfin, et c’est là peut-être une donnée qui explique beaucoup de choses, ils ne savent pas pour qui voter ! Avec la fin de la démocratie chrétienne, le pluralisme en politique s’est imposé comme une donnée de base pour l’ensemble de la nation, évêques compris. Mais alors, si la politique est plurielle chez les chrétiens, si différents partis affichant des options sociales opposées sont admis, c’est peut-être que la politique n’est pas très importante ? Ou alors qu’elle mérite d’être laissée à d’autres ? En réalité ils ont du mal à comprendre la distinction assez subtile, théorisée par Jacques Maritain, qu’il y a entre « agir en chrétien » et « agir en tant que chrétien » (Dans le premier cas, on conduira l’action politique en se définissant comme un citoyen guidé par l’Évangile, dans le second, il s’agit de se définir dans le champ politique comme uniquement chrétien, l’appartenance étant première). Du coup, même si, pour beaucoup, voter reste un devoir s’engager en politique devient une idée totalement absurde, voire indécente.
Pourtant la présence de chrétiens qui portent haut leurs valeurs serait sans doute de nature à changer le rapport, non seulement des chrétiens mais aussi de tous les Français, à la politique. Moins corrompus, moins carriéristes, plus dévoués, plus généreux, plus proches des pauvres, ils pourraient, s’ils vivent selon l’Évangile dont ils se réclament, donner une nouvelle image d’un monde élitiste qui s’est considérablement éloigné du peuple qu’il est censé représenter et servir.
Jean-Pierre Rosa, membre de l’équipe du blog