Par Jérôme Vignon
Le terme de « responsabilité » est sans doute l’un des plus significatifs de ceux qui reviennent dans le discours propre du nouveau président de la République. Son « projet » est construit autour de l’enjeu de conférer une responsabilité à chaque Français, pour que la solution de problèmes globaux ne soit pas seulement renvoyée à des institutions1. Au soir de chacun des deux tours de l’élection présidentielle, Emmanuel Macron disait mesurer la responsabilité de donner une direction à la vie publique de notre pays pour 5 ans, sachant l’ampleur des désaccords à propos de cette direction. On conçoit, par exemple la responsabilité de faire en sorte que l’Europe redevienne pour une majorité de Français un projet d’avenir.
Au soir du premier tour des élections législatives, c’est encore l’expression du sentiment d’une « immense responsabilité « qui venait aux lèvres de Jean Paul Delevoye, cet animal politique d’exception qui de médiateur de la République à président du Conseil Economique, social et environnemental, eut la charge de présider pendant plusieurs mois la commission chargée de sélectionner parmi près de 7000 candidatures volontaires celles qui recevraient l’investiture d’En Marche. Il n’est pas interdit de penser qu’il songeait à la responsabilité particulière de cette commission dont les choix paraissaient ce 11 juin très largement validés par le suffrage des électeurs.
Si en démocratie la responsabilité des partis politiques consiste en grande partie à sélectionner préalablement les détenteurs du pouvoir délégué par les électeurs, celle du jeune mouvement En Marche est en effet singulièrement lourde. L’on ne peut que souhaiter que les nouvelles recrues, dont on salue la fraîcheur, reçoive une authentique formation politique, dans la durée : pas seulement un coaching, mais une initiation à la complexité des enjeux dont ils auront à débattre.
Cependant la responsabilité est aussi celle de la société dont nous sommes membres. Souhaiter qu’Emmanuel Macron réussisse ne peut seulement consister à lui donner une large majorité comme si tout dépendait du « politique ». La tradition sociale du christianisme enseigne que sans le mouvement de la société, sans une imprégnation éthique qui permet de voir le bien d’autrui dans des restrictions mises à l’exercice des droits ou des garanties individuelles, sans le désir d’étendre les capacités dont on jouit aux populations qui en sont privées, celles-ci n’ont pas vraiment accès aux responsabilités et restent en dépendance. Au-delà des critiques abstraites formulées à tout va contre le libéralisme « ultra » ou « social » , l’aiguillon véritable qu’une société civile attentive se doit d’être auprès d’un pouvoir qui entend, à juste titre libérer les initiatives , consiste à montrer que l’exercice concret d’un droit à la participation ne consiste pas seulement à lever des obstacles, mais aussi pour les plus faibles, à mettre en capacité . Aussi n’est-ce pas par hasard si le principe de solidarité vient, dans la doctrine sociale de l’Eglise, équilibrer celui de subsidiarité2 : pour que tous deviennent responsables du bien commun.
Jérôme Vignon
Président d’honneur des Semaines sociales de France
1 Programme « En marche «, pages 3 à 5.
2 Compendium de la Doctrine sociale de l’Eglise, paragraphes 192 à 196.