Par Philippe Segretain
Jeudi 9 juillet, à Santa Cruz de la Sierra au sud de la Bolivie, le Pape François participait, en présence du Président Evo Morales, à la « IIème Rencontre Mondiale des Mouvements Populaires ». Son intervention reprit, sur un ton plus libre et plus politique, plusieurs thèmes de la récente encyclique, avec souvent une expression dure, crue, qui dit le scandale de l’exclusion sociale, du mépris du bien commun, de la destruction de la nature, et qui dit aussi la sainte colère du Pape.
Associant à son intervention le Conseil Pontifical Justice et Paix, la hiérarchie, les clercs et les laïcs, il invite toute l’Église, l’institution, et chacun des chrétiens, à systématiser une collaboration engagée avec les acteurs sociaux des périphéries urbaines et des campagnes isolées, ces « semeurs de changement », rassemblés devant lui, afin de livrer le combat pour la Justice sociale, « plus qu’un devoir, un commandement ».
A ceux qui, troublés par une sémantique politique qui pourrait nous sembler porteuse d’une tentation d’un parti chrétien il rappelle : « l’Église n’a ni le monopole de l’interprétation de la réalité sociale, ni celui de la proposition » mais il nous place, nous les croyants, « dans les générations de peuples en marche à la recherche de leur propre chemin …dans le respect des valeurs que Dieu a mis dans le cœur, qui construisent (l’histoire) »
La prochaine session des Semaines Sociales « religions et cultures, ressources pour imaginer le monde » semble bien répondre à cette admonestation pontificale. La gravité, la brutalité, de l’analyse portée par le Pape rappelle la nécessité du regard critique porté par les Semaines sociales, nourri dans la durée par la Doctrine Sociale de l’Église. Encore que…encore que « Nous souffrons d’un excès de diagnostic » et François de nous inciter à nous intégrer dans un processus de changement par lequel la conversion des attitudes évite la corruption liée au seul changement des structures. Comment être capables de « soigner les bourgeons » en gardant le recul qui permet de « tailler le bosquet ». « Semer et arroser…Ce que d’autres verront fleurir »
Bien sur ce long discours a des accents très politiques, très historiques aussi avec ce pardon demandé humblement pour les violences de l’Église, les crimes contre les cultures indigènes. Mais l’insistance mis dans les exemples cités et les situations décrites à rappeler la situation du ramasseur d’ordures, la souffrance du paysan sans terre, l’enfant assassiné par les trafiquants de stupéfiants, la fille soumise à l’esclavage, parlent au cœur. L’analyse est nécessaire, l’engagement international et politique en est la conséquence.Mais l’enracinement social et local est lui aussi requis. A cette condition, comme les coopérateurs des favelas, nous pourrions être, un jour, des « Poètes sociaux ».
Philippe Segretain, membre du CA des SSF, le 12/07/2015
Photo : le pape en présence d’Evo Morales. DR