Par Christian Mellon
En suivant ces jours ci les débats parlementaires sur le projet de loi « asile », me revenait à l’esprit l’expression familière « vite et bien », par laquelle nous disons d’une action qu’elle est à la fois rapide et bonne. Car l’enjeu de ces débats est là : accélérer les procédures de traitement des demandes d’asile, est-ce compatible avec le bien de ces personnes ?
Sur la nécessité d’aller plus « vite », le consensus est très large. L’objectif de la loi est de ramener à 9 mois le délai d’examen des demandes d’asile, qui est aujourd’hui de 18 mois en moyenne et peut atteindre 2 ans. Pour les pouvoirs publics, il s’agit surtout d’alléger l’actuelle surcharge des dispositifs d’accueil, mais aussi – même si cela n’est pas avoué ouvertement – de rendre plus aisée l’expulsion de celui qui, dans 3 cas sur 4, sera finalement « débouté » : s’il n’a vécu que neuf mois sur notre territoire, il aura créé moins de liens que celui qui y a vécu 2 ans, aura moins de motifs et de soutiens pour s’y maintenir. Les associations de défense du droit d’asile se disent elles aussi favorables à une réduction du délai, car elles savent par expérience combien les demandeurs vivent douloureusement cette longue attente d’une décision qui déterminera leur avenir pour longtemps : vivre en France en « réfugié » reconnu, y rester illégalement ou rentrer au pays d’où l’on est parti pour fuir une menace…
Ce n’est donc pas sur le « vite » mais sur le « bien » que divergent les opinions. Car, même si la future loi comporte quelques avancées – comme la possibilité pour le demandeur d’être assisté, lors de l’entretien à l’OFPRA, d’un avocat ou d’un membre d’une association agréée – les dispositions prévues pour raccourcir le délai consistent à multiplier les « procédures accélérées », qui privent le demandeur d’asile de bon nombre de garanties offertes par la procédure normale. Ainsi, pour ceux qui seront placés en « procédure accélérée», les recours après une réponse négative seront à former dans un délai très court et seront tranchés par un juge unique. D’autres points préoccupent les associations, notamment concernant l’hébergement des demandeurs d’asile.
Alors, vite et bien ? Ou vite et moins bien ?
Christian Mellon
Membre du CERAS et du conseil d’administration des Semaines sociales
Pour plus de détails, voir les sites de la Cimade (www.lacimade.org) du Secours catholique (http://www.secours-catholique.org/actualite/droit-d-asile-une-volonte-de-controle-trop-importante,13590.html) ou du collectif Alerte (http://www.uniopss.asso.fr/section/unio_detail.html?publicationId=p14551418132738307)