Par Stine Rørbæk Møller
A la sortie de la réunion du Conseil européen le 18 mars dernier, un accord entre l’Union européenne et la Turquie a été publié dans le but officiel « d’approfondir les relations Turquie-UE et de remédier à la crise migratoire ». En réalité l’UE a repris depuis le mois de novembre dernier ses tractations en vue d’un rapprochement entre l’Europe et la Turquie en échange d’une réduction du nombre de migrants qui débarquent sur les côtes des îles grecques en arrivant de la Turquie.
Il a été convenu pour l’essentiel que les « migrants en situation irrégulière » seraient renvoyés en Turquie celle-ci recevant en échange tout d’abord une aide financière de trois milliards d’euros pour la gestion des réfugiés, ensuite, pour ses citoyens, la levée de l’obligation de visas pour entrer dans les pays de l’espace Schengen et enfin la promesse que – pour chaque Syrien renvoyé en Turquie – l’UE accueillerait un demandeur d’asile syrien.
De multiples critiques ont été faites à cet accord :
Tout d’abord, quelle est la garantie que les droits de ces personnes seront respectés en Turquie, pays dans lequel les droits de l’homme ne semblent pas être une grande priorité ? Ensuite les migrants ne trouveront-ils pas d’autres chemins pour joindre l’Europe, et peut être plus dangereux ? Enfin l’accord semble irréaliste sur certains points, notamment sur le processus de réinstallation des demandeurs d’asile dans les états européens. Celui-ci sera interrompu si le nombre de demandeurs d’asile excède 72.000 ; or en 2015 le nombre d’immigrants qui ont pris ce chemin pour joindre l’Europe se levait à plus de 900.000 ! De plus, la répartition des demandeurs d’asile se base sur la participation volontaire des états membres or l’absence de solidarité entre les états, dont certains accueillent un grand nombre de migrants et d’autres aucun, pourrait mettre en danger l’avenir de l’UE. Enfin, certains experts se demandent si l’UE ne risque de compromettre ses engagements de respect des droits de l’homme en mettant en acte cet accord.
En réalité, l’Europe se lave les mains de ses frères en besoin. Nous entendons régulièrement nos personnalités politiques dire que l’Europe ne peut accueillir davantage de réfugiés. Mais cette impossibilité n’est pas réelle, elle n’est que le reflet d’une priorité que les états européens se sont donnés à eux-mêmes. Nous vivons dans les pays les plus favorisés de la planète, or en 2015 l’Europe a donné le statut d’asile à seulement 292.540 personnes, pendant que des millions de réfugiés vivent précairement en Jordanie, au Liban et en Turquie.
La question n’est pas simple est la solution ne l’est pas non plus. Mais ne serait-il pas possible de prendre au sérieux les paroles de Paul VI reprises par le pape François dans son message pour la journée mondiale des migrants et des réfugiés 2015 : « les plus favorisés doivent renoncer à certains de leurs droits, pour mettre avec plus de libéralité leurs biens au service des autres » ? Les pays de l’Europe ont une grande responsabilité dans la prise en charge des réfugiés de ce monde, faire la sourde oreille à l’appel de nos frères semble mal s’accorder avec le commandement d’amour de l’étranger que le Christ nous adresse. Comme le dit le Pape François : « À la mondialisation du phénomène migratoire, il faut répondre par la mondialisation de la charité et de la coopération, de manière à humaniser les conditions des migrants ».
Stine Rørbæk Møller, Travailleuse sociale danoise, active dans plusieurs ONG en tant que conseillère d’immigrants. Membre du Conseil pastoral du Diocèse de Copenhague
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Je suis d’accord avec l’analyse mais je voudrais savoir, très concrètement, quelle proposition pourrait être faite au niveau politique, quelles bonnes pratiques recommandées.