Le climat géopolitique n’était pas le plus propice. Réunir des responsables religieux du monde entier et les inviter à prier pour la paix n’allaient pas de soi, alors que les religions sont aujourd’hui clouées au pilori pour leur contribution aux guerres qui déchirent certaines régions du monde, le Proche-Orient en particulier. Leur mise en cause n’est pas nouvelle dans l’histoire et pas toujours infondée, mais le pape François en célébrant le trentième anniversaire de la rencontre d’Assise, rencontre inédite alors voulue par Jean Paul II, était conscient de ce climat de suspicion et, dans son discours, ne l’a pas minimisé.
« Seule la paix est sainte », a-t-il clamé, en prenant soin de reprendre des paroles de ses prédécesseurs pour bien marquer la continuité de la démarche d’Assise et couper court à des soupçons de relativisme qui n’avaient d’ailleurs pas épargné ses prédécesseurs. « Nos traditions religieuses sont diverses. Mais la différence n’est pas pour nous un motif de conflit, de polémique ou de froide distance. Nous n’avons pas prié les uns contre les autres, comme c’est malheureusement arrivé parfois dans l’histoire. Sans syncrétisme, sans relativisme, nous avons en revanche prié les uns à côté des autres, les uns pour les autres ». La paix pour laquelle les responsables religieux étaient invités à prier, n’est pas seulement une absence de conflit, une coexistence mièvre, une indifférence polie ; elle est un véritable désir de rencontre et d’agir ensemble.
Ces paroles pourraient paraître lointaines, s’adresser à une autre région du monde, à d’autres dirigeants que les nôtres, à d’autres citoyens que nous-mêmes, si elles n’avaient pas une résonance particulière dans nos sociétés occidentales. Sur quatre points, particulièrement.
Et tout d’abord, l’accent mis sur la prière : « Paix veut dire pardon qui, fruit de la conversion et de la prière, naît de l’intérieur », a rappelé le pape. La paix, une démarche de conversion personnelle. Il a également insisté sur l’importance du dialogue. « Paix signifie accueil, disponibilité au dialogue, dépassement des fermetures, qui ne sont pas des stratégies de sécurité, mais des ponts sur le vide ». Et rappelé le rôle de l’éducation : « un appel à apprendre chaque jour l’art difficile de la communion, à acquérir la culture de la rencontre ».
Enfin, il ne suffit pas aux religions de prier pour la paix ou d’essayer de panser les plaies des guerres. Il leur faut travailler sur les racines des violences : « Qu’augmente l’engagement concret pour éliminer les causes sous-jacentes aux conflits : les situations de pauvreté, d’injustice et d’inégalité, l’exploitation et le mépris de la vie humaine ».
Ces quatre piliers sur lesquels construire la paix, comment ne pas y voir des appels pressants à agir au cœur même de nos pays : dialoguer et se former à la rencontre de l’autre, différent ; dépasser les fermetures ; lutter contre les injustices et les inégalités ; s’appuyer sur nos ressources spirituelles… Belle feuille de route pour temps électoraux.
Dominique Quinio, Présidente des Semaines Sociales de France