par Annabel Desgrées du Loû
Les journées de la Femme se suivent et se ressemblent. A l’occasion du 8 mars dernier, le ministère de l’éducation nationale a mis en ligne un rapport sur la réussite comparée des filles et des garçons à l’école et dans leurs études. Ce rapport pointe une évolution positive en matière de « marche vers l’égalité » mais souligne ce qui est considéré comme un point de blocage : l’inégale répartition qui perdure entre filières « littéraires » ou « santé-sociales », trustées par les filles, et filières « scientifiques », trustées par les garçons. Comme chaque année, ce panorama se conclut par le constat selon lequel les stéréotypes sexués éloignent les filles des sciences. Mais est-ce vraiment la réalité en France ?
Au lycée, la proportion des filles en filière scientifique (S) est de 45%, soit près de la moitié. En classes préparatoires aux grandes écoles scientifiques, la part des filles est d’environ 30% si on considère toutes les préparations ensemble. Mais en regardant dans le détail on s’aperçoit qu’elle est de 70% dans les filières BCPST (Biologie-Chimie-Physiques-Sciences de la terre), qui préparent aux écoles d’ingénieurs agronomes et aux écoles vétérinaires, et seulement de 28% dans les filières Maths -Physiques -Sciences de l’ingénieur, qui préparent aux autres écoles d’ingénieurs. Dans les facultés de médecine-odontologie, les filles sont très largement majoritaires.
Or, indubitablement, la médecine, la biologie, la géologie sont des sciences.
Il n’est donc pas juste de dire que les filles boudent les sciences. Les filles entrent dans les filières scientifiques et y réussissent bien, dès le lycée. Par contre, elles ne choisissent pas les mêmes filières scientifiques que les garçons. Dès la terminale S, d’ailleurs, la différence pointe : lorsqu’il faut opter pour un « enseignement de spécialité » (sorte d’ « option » du bac S), les filles choisissent massivement « sciences de la vie et de la terre » (la moitié d’entre elles), puis physique-chimie (un quart d’entre elle), et moins d’une sur cinq choisit maths ou informatique. Les choix des garçons, très différents, se répartissent de façon à peu près égale entre maths, physiques-chimie, sciences de la vie et de la terre, et informatique.
Les différences entre filles et garçons ne tiennent donc pas tant à une partition littéraires/scientifiques mais à des différences dans le type de démarche scientifique : les filles scientifiques choisissent, plus souvent que les garçons, des matières et des filières qui cherchent à comprendre le vivant ou à le soigner (biologie, médecine), qui sont aux prises avec le concret (physique) plus que dans l’abstraction mathématique .
Ce constat, généralement occulté, appelle deux types de réflexion : la première, c’est que, sans pour autant tomber dans l’essentialisme qui cantonnerait les filles à un domaine et les garçons à l’autre, il faut sans doute accepter de poser sincèrement la question des différences entre les sexes : il n’est pas aberrant de se demander si filles et garçons, avec des corps appelés à des rôles biologiques différents, développent des rapport au corps et au monde qui les conduisent à des choix ou des désirs différents. Aujourd’hui toutes ces différences de choix sont lues en termes de soumission à la contrainte sociale. Celle-ci existe et doit être combattue, mais explique- t-elle tout ?
Deuxième réflexion : si en France les mathématiques étaient moins hégémoniques à toutes les étapes de l’enseignement, cela rendrait plus justice à la part des filles qui s’orientent vers les sciences. Faut-il voir dans cette hégémonie un reste de domination d’une pensée masculine ?
Pour ceux que ça intéresse d’aller plus loin :
http://www.education.gouv.fr/cid57113/filles-et-garcons-sur-le-chemin-de-l-egalite-de-l-ecole-a-l-enseignement-superieur.html
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