Par Jean-Pierre Rosa
L’Église n’est-elle pas la dernière institution à résister à la parité dans sa gouvernance ? N’a-t-elle pas approuvé et soutenu le modèle de la famille patriarcale aujourd’hui largement dépassé en raison de son inégalité foncière ? Bref les catholiques ne sont-ils pas définitivement disqualifiés sur ce sujet de la relation hommes/femmes -qui est au cœur de la question familiale – à la fois par leur doctrine et leur pratique ?
Certes l’Église nous a offert de magnifiques figures féminines, modèles de courage et de détermination. Certes elle a pris la défense de la femme en instituant le libre consentement des époux. Néanmoins, ces points de résistance ne peuvent effacer ce fait historique massif : l’Église, et avec elle tous les catholiques ont, depuis les premiers siècles, participé au maintien et à la légitimation du système patriarcal alors en vigueur dans le bassin méditerranéen où l’homme était le seul maître et où la femme ne comptait guère.
Plus encore : les catholiques doivent reconnaître que le mouvement pour l’égalité des droits entre hommes et femmes n’a guère trouvé d’appui ni de relais parmi eux.
Les catholiques sont donc invités à une très grande modestie mais sans doute pas à un silence définitif. Après tout est-ce un hasard si ce mouvement pour l’égalité hommes/femmes est né en terre chrétienne ? N’y a-t-il pas, dans la Révélation, un ferment quasi révolutionnaire qui a continué à agir et ce malgré les catholiques eux-mêmes ?
Lorsque nous ouvrons les Évangiles, nous sommes frappés du nombre de conversations de Jésus avec des femmes et nous sommes obligés d’admettre que les préférées de Jésus sont des femmes. Qui sait d’ailleurs que Marie-Madeleine – première bénéficiaire de la résurrection, premier témoin de la Pâque de Jésus – a très tôt été désignée comme l’apôtre par excellence – Apostola apostolorum ? Saint-Paul, lui-même, n’écrit-il pas dans son épître aux Galates : « Vous êtes tous, par la foi, fils de Dieu en Jésus-Christ… il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus ni l’homme ni la femme; car vous n’êtes qu’un en Jésus Christ. » (Ga 3,26-28) Ainsi donc le message évangélique qui « renverse les puissants de leurs trônes » (Lc 1, 52) aurait-il irrigué de façon souterraine toute la culture occidentale jusqu’à en faire bouger l’élément structurant le plus inconscient et le plus puissant : l’inégalité de la relation homme/femme ?
Après tout, pourquoi pas ? Nous avons un élément de comparaison avec la dynamique des Droits de l’homme. Là aussi l’initiative ne vient pas de l’Église. Mais dès que les catholiques ont rallié la cause des droits de l’homme, ils lui ont apporté, avec leur dynamisme propre, un fondement : la dignité de la personne humaine en lien avec toute l’histoire du Salut.
Et si la question de l’égalité et de la relation homme/femme avait la même logique ? Le moment n’est-il pas venu pour les catholiques de prendre la mesure de cet immense chantier et de le voir non comme un désordre mais comme une bonne nouvelle ? Au moment où l’Église, sous l’impulsion du pape François, retrouve une fonction d’autorité morale mondiale, n’y a-t-il pas là une chance à saisir. Le Synode sur la famille ne devrait-il pas en tenir compte ?
Jean-Pierre Rosa, de l’équipe du blog
De quelle « parité » parlez-vous exactement ?
Egalité homme-femme en valeur, en dignité, oh oui ! En droit au regard de la Loi aussi.
Mais la Bible ne nous enseigne-t-elle pas une différence de rôle, de fonction ? Et ce dès la Genèse où l’être humain, homme et femme, est pourtant créé en deux temps après un constat étonnant : « il n’est PAS BON que l’homme soit seul » ?
Dans le Nouveau Testament (1Timothée 3), les qualifications requises pour être « episcope » ne concernent que les hommes, tandis que celles des « diacres » concernent hommes et femmes.
Dans Ephésiens (chapitre 5, versets 22 à 33), les épouses doivent se soumettre à leur époux comme au Seigneur et les époux doivent aimer leur épouse comme le Seigneur aimé l’Eglise. Beau programme… asymétrique !
Et Paul prend soin de relier ces exhortations au lien « Christ-Eglise », s’affranchissant ainsi d’une interprétation « culturelle » de son enseignement.
En résumé, je crois que les mots « égalité » ou « parité » entre homme et femme sont insuffisants s’il ne précisent pas en quoi. Car homme et femme sont différents et doivent le rester, y compris dans leurs fonctions, qui sont complémentaires. Je crains que notre époque, sous prétexte d’égalité, veuille nier les différences.
Bien cordialement à vous.
En réalité, il me semble que nous devons apprendre quelque chose du monde. C’est cela qui est important. Au temps de Jésus, vous auriez été bousculé, tout comme je l’aurais sans doute été moi-même, par les étonnantes prises de positions de ce rabbi qui parlait aux femmes comme cela n’avait jamais été fait avant. Et qui les mettait en scène dans ses paraboles.
Aujourd’hui notre monde, pétri d’Évangile, a bougé. Faisons l’effort de lire dans les évolutions contemporaines, non pas seulement des égarements mais des signes de l’Esprit qui nous parle.
La parité est une réalité qui a du mal à se frayer un chemin. Et vous reconnaissez comme moi que, pour tout un tas de fonctions, c’est une bonne chose. Mais cela nous change. Ce n’est pas seulement une balance plus ou moins égale, c’est une vraie petite révolution. En avons-nous pris la mesure ? Ensuite, il sera bien temps de savoir si cela s’applique, ou non, à telle ou telle fonction ecclésiale.
A Fred, cette réponse tardive.
En tant que femme, je pense qu’il faut bien sûr reconnaitre que nous sommes différentes de vous, messieurs, et que cela nous donne des approches complémentaires. Mais je ne pense qu’il faille prendre la Bible au pied de la lettre. C’est un mythe fait pour nous éclairer, pas une histoire ! « Il n’est pas bon que l’homme soit seul. » Cette phrase ne vise pas l’homme ou la femme mais leur lien. Merci aussi de bien relire la Bible : l’Homme n’a pas été créé en « deux temps » !
Quant à la lecture du fameux passage de Paul aux Ephésiens, cela me fait sourire. Je pense que la femme arbore plus une soumission de façade qu’une soumission réelle. Et les hommes, quoi qu’on en pense, sont assez souvent soumis mais ont du mal à aimer vraiment leur femme. En fait, Paul renvoie chacun à ses propres faiblesses, à ses propres tentations. Mais un couple est fondamentalement appelé à co-construire sa vie commune et cela demande une égalité foncière, une réelle liberté et une capacité fraternelle (eh oui !) et un respect de la différence. Nous avons tous du travail.