Racisme, antisémitisme, discriminations, rejet. Alors qu’après les évènements de ce mois de janvier tout le monde prône le « vivre ensemble » et la fraternité dans notre société pluriculturelle, parait un rapport rédigé par Nils Muiznieks, le commissaire aux droits de l’homme du conseil de l’Europe, s’inquiétant de la montée de l’intolérance et du racisme en France. Loin de l’image d’un pays tolérant que avons internalisé dans nos représentations, Il évoque la montée de propos haineux (en particulier sur les réseaux sociaux) et d’actes hostiles et discriminatoires, qui résultent à la fois de comportements individuels et du dysfonctionnement de certains dispositifs institutionnels. Ce rapport fait suite à une visite que Nils Muiznieks a faite en France en septembre dernier, et décrit en particulier la situation des Roms et des gens du voyage, ainsi que celle des demandeurs d’asile et des mineurs isolés.
Bien sûr, on peut déplorer cette situation plus que préoccupante, et inviter les autorités et les citoyens à essayer de lutter contre cet état de fait. Mais pour faire évoluer ce type de situation de façon plus massive, rien ne peut avancer si on ne change pas la mentalité des citoyens. Et en ce domaine, la conviction résolue de quelques uns a suscité un foisonnement très heureux d’initiatives. Mais produisent-elles réellement des effets, ou s’agit-il seulement de bonnes intentions louables, mais sans effet ?
La réponse est positive pour certaines d’entres elles, en particulier dans le domaine de l’éducation. En effet, la fécondité de certaines initiatives a été récemment évaluée scientifiquement, montrant une efficacité à long terme. On peut mentionner en particulier une étude parue dans la célèbre « European Sociological Review » qui montre que la diversité ethnique à l’école (en particulier la présence de migrants de seconde génération au sein d’une classe) induit une très nette baisse du racisme chez ces jeunes occidentaux une fois qu’ils sont devenus adolescents. Les conclusions de l’étude sont extrêmement solides car elle repose sur un recueil de données effectué auprès de plus de 100 000 adolescents âgés de 13-14 ans. Et de façon spectaculaire le même effet est répliqué d’une façon monolithique dans 38 pays, de l’Europe à l’Océanie, ce qui montre que le phénomène est très solide, et ne dépend pas de facteurs historiques ou de variants culturels.
Voilà qui est encourageant, car cela laisse entrevoir que petit à petit, au fur et à mesure que de nouvelles générations d’écoliers sont scolarisés, les attitudes racistes pourraient diminuer chez ces enfants une fois devenus adultes, pour peu qu’il y ait un peu de mixité sociale à l’école. Il faudrait donc encourager institutionnellement la diversité ethnique à l’école. Bien sûr, au delà des effets de certains dispositifs éducatifs, le plus efficace restera sans doute que chacun change son regard et tende la main à celui, différent, qui se trouve à côté de lui.
Catherine Belzung, membre du conseil des Semaines sociales de France
Illustration : Flickr common license
Comme toute thérapie, celle-ci doit être administrée à dose adaptée : trop faiblement, elle ne permettra pas que la diversité introduite par un ou deux élèves d’autre origine que celle des enfants de la classe d’accueil induise plus , au mieux , que quelques liens interpersonnels . Mais l’excès de dose peut être délétère, surtout si à la différence ethnique s’ajoute le décalage des niveaux d’acquisition de la langue française ou des comportements en groupe. Les effets secondaires alors s’accentuent : estimant que l’équilibre n’est pas là, qui permettrait d’apporter à leurs enfants les mêmes chances de formation que celles supposées être présentes dans des classes à moindre mixité, les parents retirent leurs enfants, accentuant ainsi le déséquilibre.
La recherche d’une dose adaptée de cette mixité dans le primaire, contributive au vivre ensemble futur, nécessite de s’interroger sur certains éléments contextuels:
– La composition ethnique et sociale des classes du primaire est elle-même déterminée par la diversité ethnique et sociale des zones d’habitation . Nous avons accepté que les quotas de logements sociaux soient diversement appliqués selon les communes, moyennant compensation financière : plus du tiers des communes assujetties à la Loi SRU ne sont pas en règle et les préfets ne sont pas pressés de les sanctionner. http://www.lemonde.fr/logement/article/2015/02/09/des-villes-toujours-retives-aux-logements-sociaux_4572539_1653445.html
-Dans les communes se trouvant accueillir en grande quantité des familles étrangères, celles d’origine africaine ou maghrébine seront sur représentées dans les écoles primaires , leur nombre moyen d’enfants par femme en âge de procréer étant supérieur (pour le plus grand bien des futures cotisations sociales…) à la moyenne nationale. L’interdiction officielle de mesurer cela n’a pas empêché des sondages tel celui concernant la fécondité de femmes de 40 ans dans une enquête de l’INED en 2008 : 2,8 enfants pour des femmes musulmanes, 1,7 pour celles sans religion , 1,9 pour les femmes catholiques. http://www.atlantico.fr/decryptage/islam-et-immigration-face-au-declin-demographique-europeen-derriere-fantasmes-verite-chiffres-michele-tribalat-514982.html/page/0/1
-Nous avons accepté collectivement que la dépense moyenne par enfant du primaire, soit de 20 % inférieure à celles de la moyenne des pays de l’OCDE, nous rattrapant , mais un peu tard , pour le secondaire et le supérieur http://www.education.gouv.fr/cid11/le-cout-d-une-scolarite.html
L’enquête PISA identifie bien les manques d’acquisition de nos enfants durant cette période et leurs effets retardés sur la suite de leur formation. « De plus , à origine socio-économique identique les élèves issus des populations immigrées continuent de présenter des performances inférieures à celles des « natifs ». C’est le cas en France, en Allemagne, en Autriche et en Belgique…. C’est principalement la composition socio-économique des écoles qui semble faire la différence. Dans les pays dans lesquels les enfants immigrés sous-performent…les écoles sont beaucoup plus ségrégées socialement. C’est le cas en France. On retrouve là les écoles ghettos. C’est donc cet entre-soi plutôt que les conditions matérielles d’enseignement qui peut expliquer une partie des sous-performances des élèves d’origine étrangère. » http://www.discriminations.inegalites.fr/spip.php?article106
Les programmes successifs d’éducation prioritaires lancés depuis 1981 n’ont pas jusqu’à présent réussi à corriger ces décalages.
Ce sont la quelques déterminants à mieux comprendre ou compenser pour que la mixité à l’école primaire soit une thérapie et non un objet de craintes supplémentaires.
Oui, comme indiqué l’étude citée a été réalisée dans 38 pays et ne portait pas sur les acquisitions scolaires comme les études du programme PISA, mais sur le racisme des enfants une fois devenus adolescents. En outre, comme précisé, elle concerne la mixité avec des enfants issus de l’immigration de seconde génération: il s’agit donc d’enfants maîtrisant bien la langue de l’école dans laquelle ils sont scolarisés.
Toujours le même politiquement correct.
Cette étude est la bien venue car elle donne le cachet de la science à une intuition de simple bon sens et c’est tant mieux.
Il reste que la question demeure de la façon dont on peut organiser cette mixité sociale à l’école. Mathieu Monconduit nous indique la voie royale de la mixité par le logement. Autrement dit l’application de cette fameuse loi sru que le gouvernement, autre bonne nouvelle, vient de durcir au niveau des sanctions.
Mais cette façon de faire, qui consiste à travailler de façon volontariste et par voie législative ne peut suffire pour rendre acceptable une mixité dont tout le monde admet le bien-fondé… pour les autres. Et c’est peut-être là le rôle des religions que de montrer, en actes, une mixité possible, un travail réel et commun pour la paix.
Oui c’est vrai que la diversité ethnique à l’école rend les enfants tolérants et accueillants. Je l’ai constaté sur mes propres enfants. Mais on ne peut pas fabriquer de la diversité comme cela. Les enfants vont dans les écoles de leur quartier… et ce quartier n’est pas toujours métissé. Que faire?
On peut imaginer des jumelages entre écoles? Cela existe peut-être d’ailleurs.Fabriquer du métissage à partir d’obligations, peut-être ! mais c’est la découverte de l’autre sa richesse et sa complémentarité qui est le moteur d’une vraie mixité.
Oui, c’est certain que la mixité à l’école ne peut pas s’organiser par ordonnance, en particulier en raison du fait que les enfants sont scolarisés dans l’école située près de chez eux.. Comment alors y remédier? Peut être en promouvant davantage la mixité dans les quartiers, ou en proposant des écoles privées fondées sur cette base.. Ou, à défaut, en ouvrant autant que possible les enfants à la pluralité au travers des activités associatives qu’on leur propose? Tout dépend sans doute des priorités que l’on se donne. Pour le vivre ensemble il est sans doute plus important d’ouvrir les enfants à la mixité plutôt que d’apprendre la poterie ou le judo..