Il faut choisir

Tous les 15 jours, retrouvez Pierre-Yves Stucki et sa chronique sur la pensée sociale et l’actualité, au micro de Paul Keil sur Radio Jérico.

A partir de la chronique du 25 avril 2017.

Les dés sont jetés. Le verdict du premier tour est tombé, désignant les deux candidats entre lesquels les Français devront choisir le futur président de la République : Emmanuel Macron ou Marine Le Pen.

C’est un vrai choix devant lequel se trouvent les Français, selon des lignes de clivage peut-être plus significatives désormais que l’opposition traditionnelle gauche-droite. Les deux personnalités sont aussi diamétralement opposées que leur vision de la France et leurs intentions pour conduire le pays – qu’il s’agisse de l’Europe, de la régulation économique et du rôle de l’État, de la protection sociale, du travail ou bien sûr de la situation des étrangers et de l’immigration.

Il nous faut donc encore choisir. Certains sans doute ont déjà un avis tranché. Mais d’autres sortent troublés et indécis après ce premier tour et l’élimination simultanée des deux grands partis qui se sont partagés le pouvoir depuis des décennies.

C’est à eux que je pense en ce moment. Il est compréhensible que tous ne se retrouvent pas dans cette alternative. Les électeurs qui ont soutenu un autre candidat ressentent une légitime déception, d’autant plus forte lorsqu’ils ont vraiment cru aux chances de leur camp.

Pourtant, l’histoire n’est pas encore finie et notre responsabilité reste engagée. Il reste un second tour : c’est lui qui déterminera le Président. Il faut dépasser cette amertume. Il ne s’agit pas de refaire le match en rêvant de retrouver son candidat préféré, mais de trancher dans un choix donné, même si ce n’est pas celui qu’on voulait. La responsabilité ne s’exerce pas dans l’idéal mais dans le réel.

Oui, il faut choisir. À ceux qui sont tentés par l’abstention ou le vote blanc, je voudrais rappeler que « choisir de ne pas choisir, c’est encore faire un choix ». C’est choisir de s’en remettre, sans réserve aucune, à la décision prise par les autres. C’est surtout considérer comme égales et indifférentes les conséquences de l’élection de l’un ou de l’autre.

Or il me semble impossible de s’appuyer sur la doctrine sociale pour prétendre que nous sommes aujourd’hui devant une alternative équilibrée entre deux choix équivalents. Contrairement à ce que je lis ici ou là, nous ne sommes pas entre la peste et le choléra !

Le projet d’Emmanuel Macron comporte bien des faiblesses et même, avec la libéralisation de la PMA, au moins un point clairement contestable. Mais comment un seul instant prétendre justifier les thèses nationalistes de Marine Le Pen au regard de l’exigence du bien commun ou de la destination universelle des biens ? À la « préférence nationale », le christianisme opposera toujours « l’option préférentielle pour les pauvres ». Comment le rejet de l’Europe pourrait-il s’accorder avec l’exhortation de Jean-Paul II à être « l’âme de la construction européenne » ? Comment la fermeture des frontières pourrait-elle s’accorder avec l’appel du pape François à accueillir les migrants « avec prudence » certes, mais toujours « avec le cœur ouvert », ou encore la doctrine constante, rappelée par Benoît XVI, sur le droit au regroupement familial ? Aux chrétiens qui pensent que ces sujets peuvent être relativisés, rappelons que l’accueil de l’étranger fait partie des rares points dont Jésus prend soin de nous avertir explicitement qu’ils font partie de ceux sur lesquels nous serons jugés au dernier jour.

Quant aux positions ambiguës sur les questions éthiques, le Front national n’a rien à envier à Macron, qu’on songe à la peine de mort ou à l’avortement. À l’inverse, Macron a précisé son opposition à la GPA et n’a jamais prôné l’euthanasie.

Il n’est surtout pas question de tomber dans l’angélisme ou le simplisme, avec un candidat tout blanc et l’autre tout noir. Il reste bien des zones d’ombres chez Macron qui n’en font pas, très loin s’en faut, le candidat parfait – ne serait-ce que son libéralisme économique, contre lequel ne cesse de nous mettre en garde le pape François.

C’est là qu’intervient un autre aspect décisif. Le second tour de la présidentielle n’est pas le fin mot de l’histoire. Il y aura ensuite les législatives qui définiront la majorité gouvernementale, puis, dans toute la durée du mandat, cette exigence d’un « engagement critique » dont parlait notre dernière chronique.

Concrètement, il s’agit d’estimer, entre deux candidats dont on ne partage pas l’intégralité des positions, avec lequel il est le plus envisageable de dialoguer, de débattre pour, en fin de compte, peser sur ses choix. Et là, les choses sont très claires. Je veux croire qu’il est possible de peser sur les orientations d’Emmanuel Macron (on lui reproche même d’être trop flexible !), alors que je ne vois pas l’ombre d’un espoir de faire bouger le FN de son socle idéologique.

C’est un élément essentiel. Il relève encore le niveau d’exigence, nous invitant à répondre à l’appel du pape François aux jeunes à Cracovie : « Voulez-vous changer le monde ? » Cela ne se fera certainement pas juste en glissant un bulletin dans l’urne. Mais cela passera aussi par là et par la suite que nous y donnerons. Ne nous lavons pas les mains de l’avenir de notre pays.

 

Pierre-Yves Stucki,
Membre du Conseil des Semaines sociales

4 Commentaires

  1. Philippe Segretain

    Très bien , mais les Semaines Sociales peuvent elles se contenter de cette tribune interne? Cette analyse est grave, et ne peut rester sous le boisseau : si nous adhérons a cette pensée alors faisons le savoir, seuls , pour parler sans attendre, et avec d’autres pour parler plus fort . Le silence de la parole entre soi est une forme d’abstention

  2. Yvon Bothuan

    Choisir entre la peste et le choléra?
    Tenté par le vote blanc, je suis sensible aux limites (voire les dangers) d’un tel vote.
    Il convient donc de marteler le fait que le vote Macron n’est pas obligatoirement un vote « pour » mais un vote contre les illusions d’un vote Le Pen/FN.
    Même si des analyses fines doivent permettre à Macron de savoir par qui et pourquoi il a été élu, il convient de le rappeler clairement.
    Accompagnons donc notre vote d’une parole forte

  3. Bonjour, j’ai écris deux longs textes que je vous encourage à lire, pour changer de paradigme et imposer le vote blanc comme alternative, j’espère que mes arguments vous plairons, et en tout état de cause il faut que la religion catholique ne positionne plus fortement contre l’usure, autrefois interdit, et pour des bonnes raisons : c’est un asservissement et elle est inacceptable à l’entre aide que doit se porter une communauté, enfin c’est mon point de vue … de capitaliste de la vie !
    http://lettre-a-un-capitaliste.fr/solution-vote-blanc-etats-generaux.html
    http://lettre-a-un-capitaliste.fr/
    Je vous remercie d’avance pour nos échanges.
    Hugo

  4. Dominique Claudius-Petit

    Bonjour les amis,

    Tout me pousse à vous apporter la réaction que je viens de rédigée et que je diffuse auprès de mes amis de En Marche Ville-d’Avray et de tous ceux avec qui j’ai cheminé, dont tous ceux que rassemble spirituellement et philosophiquement les SSF :

    Je vais transcrire ci-après ce texte faute de savoir comment attacher ma déclaration et mon appel à mon commentaire.

    En amitié
    Dominique Claudius-Petit

    Non Nicolas Dupont-Aignan, vous ne ferez pas main basse sur l’héritage de la Résistance !
    Ni vous, Madame Le Pen, ne ferez main basse sur notre démocratie !
    Nous voterons Emmanuel Macron !

    Merci Daniel Cordier, d’être sorti de votre discrétion habituelle pour nous lancer dans le dernier Journal du Dimanche votre appel à nous opposer tous ensemble, quelque soient nos engagements, à l’avènement légitime éventuel du Front National aux commandes de la France.

    Vous êtes l’un des onze derniers compagnons de la Libération vivants aujourd’hui, et mon père, Eugène Claudius-Petit et onze cent autres compagnons, joignirent leurs efforts aux vôtres durant de longs mois alors que vous étiez le secrétaire de Jean Moulin, et qu’ensemble vous combattiez les conséquences dramatiques pour la France et l’Europe de la prise de pouvoir légitime de l’Allemagne par Hitler …

    Sans votre appel de dimanche, sans doute par pudeur ou timidité j’aurais hésité à me joindre à votre appel, bien que depuis plus de cinquante ans déjà, mon épouse et moi nous mobilisons pourtant nos efforts avec détermination pour défendre, chaque fois que nécessaire, notre démocratie ouverte, diverse et tolérante, suivant en cela l’exemple que nos parents n’ont cessé de nous donner depuis que je suis en âge de le comprendre :

    Pourtant comme je ne suis né qu’en 1942, alors que mes parents venaient de s’engager « tout naturellement » à suivre l’appel du 18 juin 1940, en rejoignant à Lyon, la Résistance, je n’ai compris que petit à petit, en les observant vivre, quelle fut l’épopée fabuleuse et courageuse que vous avez su mener pendant cinq ans avec vos onze cents autres compagnons et derrière de Gaulle, pour entrainer notre France tout entière à reconstruire la démocratie dans laquelle nous vivons depuis 1945.
    Mais cet engagement « naturel » dans la Résistance, à l’appel du 18 juin, mes parents s’y étaient préparés comme tous les autres, à travers leurs vies respectives d’artisans – ébéniste pour l’un et couturière pour l’autre – et grâce à leur compagnonnage avec Marc Sangnier, au sein du Sillon puis de la Jeune République durant les années 20 et 30.
    Ayant été témoins éclairés de l’avènement « par les voies légitimes » du nazisme en Allemagne, du fascisme en Italie, et de la guerre civile en Espagne, mes parents étaient prêts à défendre cette démocratie qu’ils avaient tant appris ensemble à aimer.

    C’est ce qui fit de mon père l’un des fondateurs du CNR, puis l’un de vos compagnons, sans que mes parents n’aient ni cherché, ni demandé d’en être finalement honorés, dont ils témoignèrent avec une discrétion semblable à celle dont, cher Daniel Cordier, vous n’avez cessé de faire preuve …

    Aussi pour toutes ces raisons, l’OPA de Nicolas Dupont-Aignan sur de Gaulle et l’épopée gaullienne qu’il dirigea, ainsi que sur sa Présidence de la République, est d’une impudeur totale, et elle doit être dénoncée et combattue avec force car elle est totalement usurpée et mensongère.

    Cette OPA est insupportable aux yeux de ceux qui savent, et nous en témoignons.
    Comme l’expliquaient fort bien les quatre invités de « C dans l’Air », samedi soir 29 avril sur la « 4 », en particulier Patrice Duhamel, Nicolas Dupont-Aignan est l’un de ces jeunes apparatchiks politiciens qui, depuis plus de vingt ans, par ambition personnelle, ont mangé à tous les râteliers pour parvenir à leurs fins.
    Il est temps de déchirer l’habit dans lequel il tente encore de se déguiser afin de tromper à nouveau les électeurs sur qui il compte pour accéder enfin au pouvoir que lui promet le FN, après avoir abandonné en rase-campagne ceux qui comme Dominique Jamet, l’ont soutenu et accompagné durant les dernières années !

    Nous avons encore quatre jours pleins pour convaincre nos amis, nos voisins, nos interlocuteurs de nos villages, de notre rue, de nos marchés, de nos résidences et de nos quartiers, pour nous opposer à la tentative du Font National de prendre le pouvoir en France par la voie légale et pour unir toutes nos forces de démocrates et de républicains pour en finir avec les habitudes malsaines et trompeuses du marketing court-terme en politique :
    C’est lui qui a réduit en miette depuis trente ans la façon de vivre ensemble dans le respect et la force de nos diversités que nous avaient reconstruit nos anciens en 1945.
    Il est temps de nous retrousser les manches, chacun à sa place et dans le respect mutuel, pour construire ensemble avec persévérance durant les cinq, ou mieux, les dix prochaines années, la démocratie ouverte, courageuse, généreuse et européenne que nous voulons.
    Réunissons nos forces de suite pour faire barrage au projet suicidaire du FN !
    Je vous invite aussi à marcher ensemble pour construire notre projet dès dimanche prochain.
    Et pour y parvenir, votons tous Macron !

    Dominique Claudius-Petit
    En Marche • Ville-d’Avray
    Le 2 mai 2017

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