Gestation Pour Autrui : agir tous ensemble?

Par Catherine Belzung

L’information a été largement commentée dans la presse : le 3 juillet 2015 la Cour de cassation a validé l’inscription à l’état civil d’enfants nés à l’étranger par gestation pour autrui (GPA). Cette décision fait suite à un arrêt de la Cour Européenne des droits de l’Homme (CEDH) condamnant la France pour son refus d’avoir transcrit les actes de naissance d’enfants nés à l’étranger grâce à des mères porteuses, et cela au nom de « l’intérêt supérieur de l’enfant ». La GPA reste cependant interdite en France.
Les arguments contre la GPA sont nombreux, et se focalisent surtout sur la chosification, la marchandisation des mères porteuses qui sont souvent des personnes pauvres (voir par exemple le collectif CoRP porté par Sylviane Agacinski ou dans ce blog ). Nous ne nous y attarderons pas ici ; on ne peut qu’y souscrire. Force est d’ailleurs de souligner qu’il s’agit de l’un des rares combats où se rejoignent des personnalités aux sensibilités extrêmement diverses, opposées sur bien d’autres sujets, comme les représentants des grandes religions mais aussi Michel Onfray (philosophe), Yvette Roudy (ex-ministre des Droits des femmes), José Bové (altermondialiste), Sylviane Agacinski (philosophe), Nora Tenenbaum et Maya Surduts, (coordination des associations pour le droit à l’avortement et à la contraception), Ruchira Gupta (journaliste indienne, fondatrice et présidente d’une association de lutte contre le trafic des femmes), Farida Akhtar (actrice du Bengladesh et militante des droits des femmes), Alice Schwarzer (cofondatrice du MLF, fondatrice et éditrice du magazine politique «Emma»). D’un autre côté, la plupart d’entre eux souscrivent sans doute aussi à l’idée générale d’ «agir pour le bien de l’enfant » avancée par la CEDH. Sommes nous alors dans une impasse, pris dans un étau entre deux motivations nobles toutes les deux, mais opposées ? Comment se sortit de cet écartèlement ?
Le débat actuel est en fait un effet direct de la globalisation, qui facilite les échanges à un niveau mondial. Or, le statut de la GPA est extrêmement variable d’un pays à l’autre, entre ceux qui l’interdisent totalement (comme la France), ceux qui l’autorisent contre rétribution (la Russie, l’Ukraine, l’Inde, l’Afrique du Sud) et toute une palette d’intermédiaires. La seule façon d’éviter cette monstruosité, cet achat d’enfants à l’étranger, est d’agir tous ensemble (personnalités religieuses et personnalités du monde civil, féministes) à un niveau planétaire, pour obtenir l’interdiction mondiale de cette pratique. Cela a déjà été proposé par plusieurs personnalités de tous bords. Cela évitera des situations comme celles des enfants que la CEDH cherche à protéger. On a bien réussi à abolir l’esclavage, alors pourquoi pas rendre illégale partout la GPA ? Ce sera aussi une splendide occasion pour que tous ces acteurs parviennent à mieux se connaître, moins se diaboliser réciproquement, bref, à construire un fragment de monde uni.

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Photo : Wikimedia commons. En gris : interdite. En mauve, tolérée par absence de législation,  en   violet, autorisée sans rétribution, en violet foncé : autorisée y compris contre rétribution

 

 

Catherine Belzung, membre du conseil des Semaines sociales de France

4 Commentaires

  1. Myriam

    A mon sens, si la Cour Européenne des droits de l’homme a rendu un tel arrêt, c’est qu’elle en a les compétences et qu’elle sait ce qu’il y a « derrière ». On peut être pour ou contre la GPA, mais refuser l’état civil à un nouveau-né me semble impensable. C’est comme refuser son identité en tant que personne humaine. Pour ce qui est des circonstances de la GPA, certaines ne sont pas très « dignes », effectivement, mais il ne faut pas oublier que pour d’autres mères porteuses c’est un véritable choix de vie.
    Ne pensez-vous pas qu’il est un peu « fort » de comparer la GPA à l’esclavage ?

  2. Jean-Pierre

    Certes Myriam, mais les enfants nés de GPA ont un état-civil. Certes pas Français et de cela on peut discuter mais ils ont un état-civil. Toute la question est de savoir si les contrats passés à l’étranger en contournement de la loi française contraignent le droit français. Il y a bien sûr des arguments pour « transcrire » l’état-civil d’un enfant né de GPA, mais il y en a d’autres, et forts qui militent en sens inverse.

    En réalité le cœur de l’argumentation du billet ci-dessus est de montrer que la mondialisation des échanges nous contraint à considérer, et si possible régler, toutes ces questions par des accords internationaux.

    On peut penser qu’il faut tout libéraliser mais au peut aussi penser qu’il faut promouvoir une interdiction générale et mondiale de la GPA.

    La comparaison avec l’esclavage n’est qu’une comparaison, mais elle permet de frapper les esprits et de réfléchir. A mon sens plusieurs principes du droit français permettent de baliser le chemin vers une interdiction générale d’une pratique peu humanisante. A lire : http://latribunedessemaines.fr/meres-porteuses-le-corps-ne-peut-faire-lobjet-dun-contrat/

  3. Marie

    Tout à fait d’accord avec l’idée que ce sujet soit traité « tous ensemble », et pas seulement « toutes ensemble ». Je suis frappée qu’il y ait si peu d’hommes qui signent cet appel. Peut-être que ce combat aura plus de poids quand les hommes prendront leur part !

  4. Catherine

    Oui, je partage votre avis marie: cette question rencontre sans doute davantage la sensibilité féminine, mais je pense que la mobilisation doit dépasser ces clivages de genre

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