Par Jean-Pierre Rosa
A chaque livraison de l’enquête Pisa de l’OCDE sur l’école, les commentaires vont bon train. Les premiers à essayer de redresser les effets d’optique de cette enquête sont les ministres en charge. Et ils n’ont pas tort !
En effet, il est assez facile de comprendre qu’une politique d’éducation n’a d’effet que sur le long terme. Quels que soient leurs vertus ou leurs défauts, les mesures prises par l’actuelle ministre de l’éducation nationale n’auront d’effets sur les élèves que dans 5 ou 15 ans selon les segments impactés et étudiés. A l’inverse, pour les résultats actuels, il faut aller chercher Messieurs Fillon, Gilles de Robien, Xavier Darcos ou Luc Chatel pour décerner bons et mauvais points. De quoi inviter les ministres passés, présents et à venir à une certaine modestie. Pourtant les commentateurs hâtifs, non sans arrières-pensées partisanes, ne manquent pas d’incriminer Najat Vallaud-Belkacem ce qui est non seulement stupide mais aussi injuste. Cette dernière n’a pas remis en cause, bien au contraire, un des facteurs qui contribue semble-t-il assez largement au léger redressement observé en moyenne : l’adoption en 2005, sous le gouvernement Fillon, du socle commun de connaissances.
Mais une fois ce point établi, le constant le plus marquant consiste non pas tant dans la médiocrité de la performance de la France mais dans sa tendance à voir les inégalités croitre en son sein : plus d’élèves « forts » que la moyenne, plus d’élèves « en difficulté », cela signifie un écart croissant entre les meilleurs et les moins bons. Constant alarmant pour un pays qui se targue d’égalitarisme. D’autant plus que la France détient le pompon en la matière !
S’agit-il d’un effet d’optique ? On pourrait en effet se dire : si les inégalités se creusent, c’est peut-être parce qu’elles sont moins fortes ici qu’ailleurs. En bref qu’il n’y a pas beaucoup d’écart entre les personnes. L’idée est juste mais elle ne vaut pas pour nous. En revanche, les États-Unis, bien placés dans le classement Pisa sont beaucoup plus inégalitaires que la France. En réalité, pour ce qui concerne les inégalités, la France est dans la moyenne des pays. On pourrait aussi penser : mais si la France creuse ses inégalités scolaires, cela est sans doute dû à une importance plus grande donnée aux diplômes dans la course aux emplois. Erreur d’optique ou préjugé encore une fois : la France se situe dans la moyenne pour ce qui concerne le lien entre formation et chômage.
Est-ce alors la faute de notre système scolaire ? Comme une enquête l’a déjà montré, les carences intrinsèques de notre système scolaire ne sont en réalité qu’un facteur d’une tendance plus globale au creusement des inégalités due avant tout au comportement des familles.
En ce cas, il serait possible d’aller chercher du côté de la peur des Français face à l’avenir, en croissance dans notre pays, une explication à cet état de fait.
Et si cette explication est la bonne, on ne voit pas bien comment l’inverser. Positiver l’information ? Certains médias – comme La Croix – s’y emploient. Quoi qu’il en soit, nous n’en sommes pas au niveau de l’Angleterre en la matière. Demander aux politiques plus de tenue ? On peut sans doute l’imaginer mais est-ce bien le fond de la question ?
En réalité il y a là un objet de recherche qui serait à creuser. Car tant que l’on aura pas inversé cette courbe d’anxiété croissante, aucune politique éducative ne sera réellement efficace.
Jean-Pierre Rosa, membre des SSF
Photo© ICL
Ne pas oublier dans la « peur face à l’avenir », que manifestent les Français, le rôle délétère de certaines grandes associations : celles-ci noircissent à dessein la situation française pour faire pleurer Margot, et contribuent ainsi à « fabriquer du pessimisme »….comme l’explique l’article ci-dessous:
http://archives.lesechos.fr/archives/cercle/2012/01/31/cercle_42858.htm
Je trouve l’article des Echos assez pervers. Ou alors mal informé. Bien sûr la moyenne des ménages se porte mieux et les effets d’optiques induits par les associations qui travaillent auprès des plus pauvres sont réels, mais, et c’est un grand mais : si la moyenne des ménages se porte mieux, cela ne veut pas dire que tous se portent mieux. Car personne ne va, dans les statistiques citées, interroger les écarts. Or les écarts se creusent. Non seulement en terme d’éducation mais aussi par exemple de logement puisque l’article des Echos y attache de l’importance : cette petite étude de la Drees sur l’évolution des dépenses de logement du parc social et du parc privé est très claire sur ce point : http://drees.social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/dss55.pdf.