Du dialogue social et des choses nouvelles

Par Philippe Segretain

Rerum Novarum, des choses nouvelles. Léon XIII, avec le Pape François et Thomas Picketty, a été l’auteur le plus cité au cours des Semaines Sociales Européennes qui se sont tenues du 18 au 20 février aux Pays-Bas. Vingt-trois pays, 170 délégués représentant le monde syndical, associatif, académique ou politique réunis autour d’un constat déstabilisant : les crises écologiques et économiques, le scandale de l’évolution des inégalités, et la « fulgurante transition » numérique obligent à repenser le jeu des acteurs, pour que le dialogue social redevienne un élément de la cohésion sociale en Europe. Deux jours de débat ou des images tombent : le Président Juncker, crédible dans sa foi dans le dialogue social, un Lord britannique qui nous rappelle ce que sa critique du capitalisme doit à la sagesse biblique, des syndicalistes néerlandais appuyés sur des institutions co-gérées en pleine évolution, ou encore un entrepreneur basque passionné par sa capacité à exporter le modèle coopératif.

L’évolution du dialogue social passe d’abord par l’analyse et la prise en compte des mutations : le numérique remet en cause la domination de la relation salariée, la possibilité de participer à l’œuvre collective n’est plus dictée par le seul contrat de travail, et la solidarité doit se réinventer en intégrant toutes les parties prenantes à la production par delà leurs statuts. Marcel Grignard, au nom de Confrontations Europe, propose et d’utiliser les outils européens existants, et de réinventer des dialogues entre toutes les parties en s’appuyant notamment sur les solidarités territoriales.

Mais l’analyse du jeu des acteurs doit aussi intégrer la diversité des histoires et des attentes : nous savions ce que le consensus rhénan peut apporter à la cohésion sociale, soyons attentif à ses mutations. Nous n’avons sans doute pas cherché à connaître suffisamment les pays d’Europe de l’Est, persuadés qu’il nous suffisait d’exporter notre modèle social européen. Ces pays se crispent sur leurs identités, prenons conscience de leurs différences, du poids de leur histoire, avant toute leçon. Erik Borgman, un théologien néerlandais, a proposé à l’Église d’aider l’Europe à ouvrir ses portes à la différence. Jérôme Vignon a osé dans sa conclusion parler d’un temps opportun pour analyser dialoguer et agir. Une audace nécessaire.

 

Philippe Segretain est membre du Conseil des Semaines Sociales

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