Par Catherine Belzung
Ces prochains jours sont décisifs pour la renégociation de la dette grecque puisqu’une réunion est prévue le 11 mai entre Athènes et le reste de l’Eurogroupe sur la fin du deuxième plan d’aide (130 milliards d’euros contre certaines réformes).
Beaucoup a dit et écrit sur le sujet de cette dette, et le propos est bien souvent monolithique, rejetant la « faute » soit entièrement sur le débiteur (la Grèce : sa responsabilité serait de tout rembourser, même au prix d’un très lourd sacrifice sur le plan social), soit entièrement sur le créancier (la Troïka, représentée comme un groupe cynique voire pervers qui profite de cette situation désastreuse). Et dans cette logique, la responsabilité du débiteur ne serait pas seulement un devoir sur le plan juridique mais aussi une obligation morale : le créancier lui a fait confiance, ce qui lui donne un genre de « droit » au remboursement. Dans cette ligne de pensée, l’idée de remise totale ou partielle de la dette est perçue comme dangereuse, car elle donnerait du crédit à l’idée que s’endetter de façon déraisonnable ne porte pas à conséquences.
Cependant, ce raisonnement omet un concept essentiel, à savoir que dans un contrat, la responsabilité morale est partagée entre les deux parties, à savoir par le débiteur et aussi par le créancier. Si la responsabilité du débiteur est de rembourser, quelle serait alors la responsabilité du créancier quand il prête de l’argent ? De nombreux débats ont eu lieu sur le sujet, aboutissant aux 3 grandes obligations proposées par le « Centre for International Sustainable Development Law »: 1) la dette doit être contractée par un gouvernement démocratique, 2) le prêt doit se faire à un taux acceptable, et obtenir l’adhésion de la population qui doit être informée des termes du contrat et des risques encourus, 3) le prêt doit servir l’ensemble de la population (et non des sous-groupes de citoyens) et l’intérêt général. Lorsque ces conditions ne sont pas remplies, on parle de dette illégitime : les débiteurs ne sont pas tenus de rembourser car la dette n’a pas été consentie dans des conditions acceptables. C’est en quelque sorte de la responsabilité des créanciers de s’assurer de ne pas se trouver dans une situation de dette illégitime.
Concernant le cas de la dette grecque, la première condition est remplie car le gouvernement de Papandreou était parfaitement démocratique. Par contre, concernant le second point, il n’est pas certain qu’on se trouve vraiment dans une situation où le peuple grec aurait choisi en connaissance de cause l’état d’insoutenabilité de la dette auquel ces prêts allaient le réduire (la dette est actuellement de 175 % du PIB en Grèce alors qu’elle était de 20% du IB en 1980 et de 103% en 2007). Concernant le troisième point enfin, si on considère, comme suggéré par certains analystes, que la moitié de la dette grecque est imputable à des taux d’intérêt extravagants pratiqués entre 1988 et 2000 et à une baisse des recettes publiques liée à des réductions d’impôt (concernant certaines catégories de la population), il est évident qu’elle ne servait pas réellement l’intérêt général.
Il serait peut être temps de sortir d’une logique binaire, rejetant la totalité de la faute sur l’une ou l’autre des deux parties. La solution serait sans doute d’accepter que débiteurs et créanciers soient co-responsables de cette situation tragique, et qu’ainsi ils construisent ensemble une solution juste et viable, en sa basant sur un dialogue constructif.
Par Catherine Belzung, membre du CA des Semaines sociales