Des maires rebelles, pour quoi faire ?

Par Louise Clémentier

Opposés à la réforme des rythmes scolaires, certains maires n’y sont pas allés de main morte pour le faire savoir : cadenas apposés sur les grilles des écoles, poignées de portes enlevées le mardi soir… Et cet épisode n’est pourtant que le dernier avatar d’une longue série de frondes municipales médiatiquement très visibles : mariage de couples homosexuels à Bègles par Noël Mamère en 2007, puis, en sens contraire, refus de certains maires de célébrer ces mêmes mariages après l’entrée en vigueur de la loi sur le mariage pour tous.

 En dehors des réponses juridiques déployées par le gouvernement (intervention des préfets, recours à la justice administrative…), le débat sur de telles positions a pourtant été inexistant, comme si chacun trouvait normal qu’un élu de la République se revendique de la « résistance », voire de la « liberté de conscience », pour refuser de mettre en œuvre une réforme démocratiquement votée. Le maire d’Heiteren, dans le Haut-Rhin, a ainsi expliqué dans Les Echos avoir cadenassé son école car c’était « le seul moyen » pour montrer son désaccord avec la réforme.

Mais ne faudrait-il pas aller au-delà des pétitions de principe pour s’interroger sur les présupposés théoriques de ces rébellions municipales ? En effet, ce qui est en jeu dans ce raisonnement n’est pas, loin de là, la question des convictions des maires, mais celle de leur mission. A l’instar de Condorcet, nos chers maires semblent dire : « Vous m’avez envoyé ici pour faire ma volonté, et non la vôtre ». Mais si cette formule constitue le fondement de notre régime de démocratie représentative, qui exclut tout mandat impératif (les élus ne sont pas hiérarchiquement subordonnés aux électeurs), elle ne doit pas être comprise comme permettant aux élus de n’en faire qu’à leur tête.

En effet, la finalité de la représentation, même sans aucune dimension de mandat impératif, implique que les choix des élus aient pour critère le bien commun des personnes qu’ils représentent. Outre que le maire outrepasse sa compétence, qui n’inclut pas l’organisation du temps scolaire, c’est donc une interprétation fallacieuse de la représentation qui laisse penser qu’un maire peut faire prévaloir sa liberté de conscience sur l’intérêt général – qu’il lui revient naturellement d’apprécier lorsqu’il prend des décisions dans son champ de compétence ! Faute de quoi, ce n’est pas Condorcet que les maires frondeurs reprennent, mais l’expression attribuée à François Ier et devenue depuis la marque de l’arbitraire monarchique : « Car tel est notre bon plaisir ».

Louise Clémentier, membre de l’équipe de la tribune des SSF

4 Commentaires

  1. Frank Horwath

    Fauete de quoi, ce n’est pas Condorcet que les maires frondeurs reprennent, mais l’expression attribuée à François Ier et devenue depuis la marque de l’arbitraire monarchique : « Car tel et notre bon plaisir ».
    2 fautes à corriger:
    Faute
    est (tel est notre bon plaisir)

  2. Semaines Sociales de France

    Merci pour les corrections, mais n’hésitez pas aussi à réagir sur le fond !

  3. chantou

    OK pour toute cette discussion de juriste mais ce sont les maires qui paient, non ? En ce cas, ils n’auraient pas d’autre droit que celui d’augmenter les impôts locaux pour faire face à une mesure qui leur est imposée. Est-ce bien normal docteur ?
    Voir ci-dessous quelques éléments :
    http://www.lexpress.fr/education/infographie-rythmes-scolaires-la-reforme-plombe-t-elle-vraiment-les-finances-des-maires_1299050.html
    C’est pas une réaction sur le fond, ça ?

    • Semaines Sociales de France

      C’est incontestablement une réponse sur le fond, merci !

      Le financement et l’organisation du temps périscolaire posent des questions, c’est certain, et mon propos n’était pas de dire que tout est incontestable dans cette réforme ; mais avec ce réflexe « cadenas », on pourrait presque croire que le maire est propriétaire de son école, et qu’il est le seul à décider ce qui s’y passe. En faisant comme si la liberté de conscience ou une sorte de « devoir de résistance » était en jeu, on déplace le débat sur un terrain qui n’est pas toujours celui du partage des responsabilités en faveur du bien commun ! Au fond, c’est plus la question de la décentralisation que celle des rythmes scolaires qui se pose : si le gouvernement démocratiquement élu décide quelque chose, est-il normal que chaque maire se sente autorisé à s’y opposer par des actes (et pas seulement par des contributions au débat public) ? Même si, dans les sondages, ce sont les élus préférés des Français, les maires ne sont pas les seuls élus légitimes.

      LC

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