Par Dominique Quinio
Dans une rencontre préparant la future Session des Semaines sociales « Ensemble, l’éducation » (les 19 et 20 novembre), la directrice d’un établissement privé catholique situé dans un quartier sensible parisien expliquait qu’elle recevait, à la veille de la rentrée, de multiples messages de parents dont la grande préoccupation était la « sécurité ». Une réflexion qui en dit long sur la sourde angoisse tenaillant les parents. A l’inquiétude purement « scolaire », classique mais taraudante, de parents désireux du meilleur pour leurs enfants – sans être toujours très au clair sur ce que représente pour eux ce meilleur, au-delà de l’obtention d’un diplôme -, s’ajoute aujourd’hui la peur des attentats, la peur de la mixité sociale, ethnique, religieuse. Un climat que les enfants et les jeunes ne peuvent pas ne pas ressentir.
Quand les Semaines sociales ont décidé, il y a de longs mois, du thème de 2016, ils n’imaginaient pas combien ce contexte sécuritaire deviendrait prégnant. La proximité d’échéances électorales et l’enjeu majeur que représente l’éducation pour de nombreux électeurs étaient bien sûr au centre de la réflexion, comme les défaillances d’un système qui n’arrive pas à accompagner tous les jeunes vers un travail, qui ne parvient pas à corriger les inégalités sociales, qui voit ses différents acteurs (parents, enseignants, entreprises, collectivités locales, associations, mouvements de jeunesse, religions) s’accuser mutuellement de ne pas être à la hauteur, d’être défaillants. Aujourd’hui, les parcours de jeunes Français tentés par le djihadisme, les tensions communautaires et la peur qu’inspire l’islam amènent à s’interroger sur la responsabilité de l’école, lieu central où passent les enfants de la République de toutes origines. Que n’a-t-elle pas su faire et comment lui permettre de former les jeunes à une citoyenneté active et respectueuse ? Sans oublier quand même que son rôle est de transmettre des savoirs ! Au risque de charger la barque qui ne pourra que tanguer davantage dans la tempête.
Cette forte exigence à l’égard de l’école donne toute la pertinence au sens et au périmètre du mot éducation mis en exergue dans la session des Semaines sociales. Éduquer la personne et l’éduquer à vivre avec les autres, à faire avec les autres, n’est pas seulement l’affaire de l’école. Transmettre des savoirs, des savoir-faire, des savoir-être ne commence ni ne s’arrête avec la scolarité obligatoire. Elle est l’affaire de toute une vie : au fil des ans, chacun tour à tour se retrouve en position d’être éduqué ou d’être éducateur, et parfois simultanément. Tous les parents, tous les enseignants, tous les professionnels comprendront ce que cela signifie ! Cela renforce notre conviction que les uns et les autres doivent œuvrer ensemble, s’allier. La tâche est trop urgente, trop fondamentale pour se permettre de disperser les forces et les compétences. Sur la plate-forme collaborative de la Session, faites valoir vos propositions, vos convictions. Pour que s’apaise l’angoisse. Une citation de Rainer Maria Rilke, reçue ces derniers jours comme une pépite de sagesse, peut nous y aider: « toutes les choses terrifiantes ne sont peut-être que des choses sans secours qui attendent que nous les secourions ». Nous ? Nous tous.
Dominique Quinio
Présidente des Semaines sociales de France