Cas de conscience minimale : l’apport des neurosciences

Par Catherine Belzung

L’histoire de la petite Marwa, une petite niçoise de 16 mois hospitalisée en septembre 2016 suite à un virus foudroyant, a une nouvelle fois relancé le débat sur la façon d’accompagner des personnes atteintes de lésions neurologiques sévères. Alors que le débat sur le maintien en vie du bébé faisait rage, le Conseil d’Etat a statué le 8 mars 2017, ordonnant la poursuite des traitements, à la grande joie des parents. Qu’en penser ? Est ce bien raisonnable ?

Avoir un avis tranché et définitif sur la question est sans doute bien arrogant, s’agissant d’une situation intermédiaire, une de ces zones grises où tous les arguments peuvent sans doute s’entendre. En effet, s’il est facile de trancher dans des cas où le patient se trouve dans un état végétatif état végétatif (donc sans aucun état de conscience), les choses sont bien plus complexes quand il s’agit d’un enfant, ou d’un patient adulte en état « pauci-relationnel », avec des états de conscience intermittents. En effet, il s’agit là de situations beaucoup plus délicates et dont l’issue est moins prévisible.

Une voie (parmi d’autres) pour poursuivre un débat apaisé consiste à l’éclairer par les données récentes de la recherche en neurosciences. Et pour cela j’aimerais m’appuyer sur deux découvertes fascinantes qui ont fait la « une » de l’actualité scientifique ces dernières années : la plasticité neuronale et l’utilisation de la neuroimagerie fonctionnelle. De quoi s’agit-il ? La plasticité neuronale concerne la possibilité pour le cerveau de se ré-organiser, en fabriquant des nouvelles connexions entre neurones et des nouveaux neurones. Même si ce phénomène existe de façon plus marquée chez l’enfant, il se poursuit chez le sujet adulte : il a par exemple été montré que les personnes âgées continuaient de « fabriquer » plus de 1000 nouveaux neurones chaque jour. Et cela peut être davantage si les personnes sont stimulées ! Cela pourrait par exemple expliquer quelques cas cliniques, comme celui de l’américain Terry Wallis ou du polonais Jan Grzebski, deux patients qui sont redevenus conscients après 19 ans passés dans le coma. Ou le cas d’un autre patient adulte, ayant une vie parfaitement normale (marié, exerçant une profession normale) alors que l’IRM effectuée l’hôpital La Timone de Marseille a montré une hydrocéphalie importante, avec laquelle le patient vivait sans doute depuis l’enfance et dont il a sans doute pu compenser l’impact grâce à la neuroplasticité. L’autre découverte fabuleuse concerne les techniques de neuroimagerie fonctionnelle, qui permettent de détecter l’activité cérébrale de patients totalement incapables de bouger et de communiquer : ainsi, des chercheurs de l’Université de Liège dirigés par le Prof Laureys ont étudié 44 patients qui avaient un diagnostic d’état végétatif. Ils ont découvert que 18 d’entre eux avaient en réalité différentes formes de conscience, sans avoir la capacité de la manifester en raison de paralysies sévères. L’un des cas les plus célèbres est celui du belge Rom Houben, qui a été traité comme se trouvant dans un état végétatif pendant 20 ans alors qu’il était parfaitement conscient, étant atteint d’un « locked-in syndrome ». Imaginez l’angoisse du patient !

Une façon de faire avancer le débat autour de cette délicate question consisterait sans doute à stimuler le dialogue entre la société et les scientifiques, en particulier avec les neurobiologistes. Il est en effet frappant de voir que la société s’est emparée de ce débat, parfois avec virulence, mais que les scientifiques ont pratiquement été tenus totalement à l’écart. C’est sans doute aussi de leur faute, car ils sont souvent trop enfermés dans leur tour d’ivoire, oubliant qu’ils ont quelque chose à offrir à la société.
Catherine Belzung, Professeure de Neurosciences à l’Université de Tours et membre senior de l’Institut Universitaire de France, membre du Conseil des Semaines Sociales

3 Commentaires

  1. Marie

    Merci pour cet article éclairant.
    Dans le cas de la petite Marwa, et dans d’autres, il ne faut pas non plus éviter la question des conditions de vie et d’accueil. En effet, dans les discussions plus ou moins houleuses autour de cet enfant et de cette famille, il a été dit que le maintien en vie était aussi une question de prise en charge par la société des frais, et très concrètement d’occupation d’un lit d’hôpital pour une durée indéterminée et probablement longue.

    Cela peut paraître inhumain d’envisager cela ainsi (dans le cas de Marwa ça a été aussi l’occasion d’un terrible déferlement raciste), et pourtant il le faut. Au-delà de ce cas particulier, il n’empêche que si les neurosciences invitent à maintenir en vie les personnes très atteintes, voire permettent de créer une forme de contact via l’imagerie par exemple, il n’en demeure pas moins que maintenir ces personnes en hospitalisation « normale » pour des années, ça n’est pas envisageable. Ca n’est pas vraiment justifié pour leurs soins, c’est inhumain pour les proches, et très couteux pour la collectivité sans raison médicale.

    Bref, la multiplication de ces cas nous oblige une fois de plus à repenser notre système de soin et de prise en charge des personnes très dépendantes, avec des systèmes intermédiaires entre hospitalisation classique et domicile.

  2. Catherine

    Merci Marie de votre commentaire.. Ce que disent les Neurosciences est que dans certains cas, le patient est parfaitement conscient (même s’il n’en a pas l’apparence, et que la communication est difficile), e que dans d’autres cas, il peut récupérer partiellement ou totalement.. Il faut juste prendre les décisions en connaissance cause..

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