Par Catherine Belzung
Ces derniers jours, la France est engloutie sous un pic de chaleur tout à fait inhabituel en cette saison. Bien sûr, comme partout, l’ambiance thermique est étouffante dans les locaux de l’université où je travaille. Comme partout ? En fait, non. L’université n’est pas seulement « habitée » par des étudiants, des secrétaires, des ingénieurs, des enseignants, des professeurs mais aussi par des rongeurs. Pas par des rats d’égout (heureusement), mais par des rats et des souris de laboratoire. Et ces derniers vivent dans des animaleries, au sein desquelles des directives européennes imposent des règles extrêmement strictes non seulement en terme d’hygiène, mais aussi de température (laquelle doit être de 22+/- 1°C) et d’hygrométrie (qui doit être autour de 55 % d’humidité). Ces paramètres sont contrôlés, et au cas où ils ne sont pas maîtrisés, l’animalerie perd l’agrément accordé tous les 5 ans par les services de la préfecture. Conséquence : en cas de canicule, c’est là qu’on est le mieux !
Bien sûr, on ne peut que se réjouir de ce que les animaux de laboratoire vivent dans des conditions aussi confortables. Mais en même temps, on ne peut que s’interroger : comment se fait-il que la législation protège mieux les animaux que les humains les plus vulnérables ? Qu’est ce que cela dit de notre société ?
Si la réglementation est aussi stricte en ce qui concerne les droits des animaux, ce n’est pas parce qu’il aurait été décidé en haut lieu d’une sorte de hiérarchie de valeurs, aboutissant à l’idée que les animaux doivent bénéficier de plus de droits que les humains. La situation est en fait bien plus pragmatique : c’est parce que des groupes de pression actifs en ce qui concerne la protection des animaux de laboratoire ont eu une action concertée et déterminée au niveau européen. Cela souligne donc, un peu en creux, qu’il n’existe peut être pas de tels groupes pour se soucier de protéger les humains (personnes âgées ou malades, handicapés, etc) qui vivent dans des institutions (même si les choses ont un peu évolué dans les maisons de retraite après la canicule de 2003). On peut bien sûr regretter que les directives ne se fassent pas toujours en prenant en compte une hiérarchie de valeurs qui serait du type : si on fait une directive pour les animaux, il faut d’abord en faire une pour protéger les humains vulnérables. Et tant pis pour le coût – financier – de l’opération ! Mais au lieu d’être dans le regret, on peut aussi passer à l’action. Peut-être que la vague de chaleur actuelle est une fenêtre d’opportunité pour aller au-delà de l’abattement et tenter de faire évoluer l’opinion publique dans cette direction ?
Par Catherine Belzung,
membre du Conseil des Semaines sociales
C’était il y a quelques jours dans un hôpital géronto-psychiatrique.
Autour de la psychologue, étaient réunis une dizaine de vieux, vivant en unité fermée pour cause de troubles neuro-dégénératifs. Elle leur lisait des articles d’actualité, dont un sur la canicule et sur les précautions à prendre en pareil cas.
Plusieurs dormotaient, sans doute après une nuit de déambulation dans le couloir, car ayant perdu leurs repères spatio-temporels.
La psychologue leur expliqua alors le système de climatisation de l’hôpital, pour leur expliquer qu’ici les vieux étaient protégés de la canicule. Aucun ne leva la tête pour suivre du regard ce qu’elle leur montrait.
Puis la psychologue leur lut un article sur le droit des animaux. Alors, un homme, dont tout pouvait donner à penser qu’il avait eu des responsabilités professionnelles importantes, sortit soudain de son marasme et s’écria : « De mieux en mieux, maintenant on respecte plus les droits des animaux que les droits des hommes. » Il répéta cette phrase plusieurs fois.
Sans broncher ni chercher à instaurer du dialogue, la psychologue poursuivit sa lecture, en continuant à articuler posément les syllabes des mots qu’elle prononçait.
Qui comprenait quoi ?
Cette « page de vie » m’est revenue en lisant l’article de Mme Beltzung.