Par Jean-Pierre Rosa
Avec environ 14 millions d’euro de prime de départ pour ses deux ans et demi de bons et loyaux services, plus une retraite chapeau de 50 000 € annuels Michel Combes peut s’estimer heureux.
Pour donner une idée de la somme, disons que cela représente près d’un mois de la masse des salaires des 10 000 employés dont les postes ont été supprimés dans le groupe. Pour donner une idée de ces 10 000 postes, rappelons qu’Alcatel-Lucent abrite environ (les chiffres sur le site du groupe ne sont pas clairs) 70 000 personnes. Pour donner une idée des montants, signalons aussi que Michel Combes a opéré une fusion-vente avec Nokia d’une valeur de 15,5 milliards d’euros (soit le chiffre d’affaire annuel de l’entreprise) qui aboutit à transférer le siège du groupe en Finlande.
Pour se défendre de l’octroi d’une prime disproportionnée, la direction d’Alcatel-Lucent fait valoir que Monsieur Combes « a multiplié par 6 la valeur de l’entreprise et l’a sauvée de la faillite. »
En réalité Michel Combes a réalisé en très grand une opération qui ressemble à celles que Bernard Tapie faisait en plus petit dans les années 80 avec des entreprises comme Terraillon ou la Vie Claire : prendre une société en difficulté, la « restructurer » ce qui signifie : primo ôter les activités dites « annexes » – ce que l’on appelle aussi se recentrer sur son cœur de métier et qui consiste ici à passer d’une position de généraliste des télécoms en spécialiste des réseaux, du Cloud et du très haut débit, secundo supprimer des postes de façon massive afin d’augmenter mécaniquement la profitabilité à court terme de l’entreprise. Tout ceci permet de la vendre un très bon prix. Il s’agit ici d’un cas d’école de l’économie-casino mondialisée dans laquelle tout est fait pour assurer le profit à très court terme non pas de l’entreprise mais de son cours de bourse.
Calculer la valeur d’une entreprise à sa pure valeur comptable « liquidative » est une très dangereuse pente. Nous ne pourrons y échapper qu’en intégrant d’autres indicateurs dans la mesure de la valeur des biens que nous échangeons : valeur sociale et environnementale notamment. D’ici là, les Michel Combes qui écument le monde et ne sont payés si chers que pour être déconnectés du réel qu’ils transforment pourtant ont de beaux jours devant eux. Et les rappels à l’ordre de l’Autorité des marchés financiers ou celles d’Emmanuel Macron n’y changeront pas grand chose.
Jean-Pierre Rosa, de l’équipe du blog