Par Dominique Quinio
Si l’enjeu n’était pas si grave, il y aurait quelque chose d’excitant à vivre l’élection présidentielle version 2017. Parce que rien ne s’y déroule comme prévu, qu’il est impossible de prédire quel en sera le résultat final, pas même le nom des deux candidats susceptibles d’être qualifiés pour le second tour. Les sondeurs affichent leur prudence et préviennent qu’ils ne pourront peut-être pas donner une estimation des scores dès la fermeture des derniers bureaux de vote. Quelle nouveauté ! Devoir attendre que le dépouillement soit un peu plus avancé ! Patienter avant de se précipiter vers l’épisode suivant et de re-sonder les électeurs !
Si l’enjeu n’était pas si grand et si la confusion actuelle n’était pas liée à la mise en examen d’un prétendant à la victoire, il serait ironique d’entendre commentateurs et responsables politiques troublés par ce scénario et cette incertitude inédits, obligés de se préparer à des plans A, B ou C et aux « éléments de langage » correspondants.
Si l’enjeu n’était pas si grave – ou précisément à cause de sa gravité -, il serait réconfortant de voir les électeurs sortir de leurs habitudes, de leurs réflexes traditionnels (je vote à gauche ou je vote à droite ; je suis Républicain ou socialiste) pour s’interroger sur la palette des droites (et leurs programmes), la palette des gauches (et leurs programmes) ou pour examiner les propositions de celui qui ne se veut ni à droite ni à gauche mais les deux à la fois. Les votes, paradoxalement, pourraient s’appuyer sur un programme et une personnalité, plus que sur une étiquette.
A cette heure, quatre orientations politiques semblent se partager les voix, en tout cas les voix de ceux qui sont décidés à voter et savent quel bulletin ils glisseront dans l’urne. Une nouvelle carte électorale de la France pourrait bien se dessiner dont il faudra observer si elle se confirme dans les élections législatives et à quelles alliances nouvelles elle conduira.
Au bout des programmes, peuvent se profiler des changements de cap considérables, en matière de cohésion sociale, d’orientation économique et sociale, de politique migratoire, de questions de société et autour de l’avenir de l’Europe dont les Semaines sociales de France font le thème de leur Session 2017.
Tout aussi grave : ce scrutin, sans doute, éclairera à nouveau la fracture entre le monde politique et les électeurs. Combien s’abstiendront, en effet, combien voteront blanc, combien choisiront un nom ou un programme par défaut ?
Combien sont convaincus que tout n’est pas à attendre d’ « en haut », de ces élites conspuées, parfois coupables certes, mais qu’il est parfois facile d’accuser de tous les maux ? Combien auront la volonté de suivre la réalisation des programmes et de s’engager, eux-mêmes, dans l’arène politique ou dans les associations pour faire avancer leurs convictions ?
Les grands rendez-vous électoraux rétrécissent notre champ de vision politique, laissant penser que notre devoir citoyen s’arrête après le vote, aussi crucial soit-il. Dans une Tribune cosignée par une trentaine de mouvements et associations d’inspiration chrétienne, « Pour une citoyenneté responsable et engagée », sont rappelés ces « milliers d’actions concrètes qui construisent une planète plus solidaire et fraternelle ». « Cette dynamique démocratique, conclut cette Tribune, devra se poursuivre au lendemain du second tour des élections législatives en demandant aux élus de rendre compte de leur mandat, et en s’impliquant dans la vie locale afin de contribuer au renouveau de l’exercice de la citoyenneté ». Une référence à la « subsidiarité » au nom si compliqué qui invite chacun, à la place où il est, à prendre ses responsabilités, à s’informer, à trancher entre des possibles, pour le bien du plus grand nombre. Avant et après l’élection.
Dominique Quinio, présidente des Semaines sociales de France