Par Catherine Belzung
Quel que soit son camp, l’heure est aux primaires : à droite et au centre, chez les écologistes et puis, plus tard, à gauche. Elles ont pour but de choisir les candidats qui se présenteront ensuite aux élections présidentielles, et ce faisant elles comportent forcément l’inconvénient de mettre l’accent sur les personnalités politiques, plutôt que sur les projets politiques. Mais laissons de côté cette limite, qui conduit souvent à émettre des préférences, ou des aversions, plutôt qu’un véritable choix.
De façon intéressante, ces primaires sont toutes ouvertes à l’ensemble des électeurs ; elles s’adressent donc à un cercle de citoyens bien plus large que les membres des divers partis. Au point que 6-7% des électeurs de gauche se disent certains d’aller voter .. aux primaires de droite, et que les personnes de gauche représenteraient 14% des électeurs aux primaires de droite ! Avec un objectif stratégique plus ou moins cynique: certains veulent choisir le candidat qui aurait le moins de probabilité de l’emporter face au candidat de gauche, histoire de donner le plus de chances possibles au candidat qu’ils soutiennent, alors que d’autres au contraire partent de l’idée que le candidat de droite sera opposé à Marine Le Pen au second tour, et veulent donc dès à présent choisir celui qui leur conviendrait le moins mal comme futur Président, quitte à franchir le rubicond de voter aux primaires de droite ! Bien sûr, ces différentes stratégies ne se valent pas, car si la seconde d’entres elles garde le bien commun en ligne de mire, la première est pur cynisme et dénature totalement le but de ces primaires. Bien sûr, quand viendront les primaires socialistes, on risque de se trouver avec une situation en miroir. Mais au delà de l’objectif stratégique plus ou moins louable poursuivi, est-ce vraiment éthique de voter aux primaires du camp adverse ? Il ne faut pas oublier que le vote aux primaires s’accompagne d’une condition : déclarer qu’on adhère aux valeurs du parti au sein duquel on va voter. Par exemple en votant aux primaires de droite, on déclare « Je partage les valeurs républicaines de la droite et du centre et je m’engage pour l’alternance afin de réussir le redressement de la France » (ce qui exclut de fait ceux qui ne sont pas pour l’alternance à droite). Un genre de règle du jeu, un accord explicite qui fonctionne sur la confiance. On déclare donc, selon le cas, adhérer aux valeurs de gauche, à celles de droite, ou celles des écologistes. Or, quoiqu’on en pense, ces valeurs sont souvent inconciliables et de vrais clivages existent sur certaines questions comme l’immigration, la sécurité, l’éducation. Voter à plusieurs primaires, ou du moins voter à la fois à la primaire de droite et à celle de gauche, peut donc conduire à une forme de mensonge sur ses valeurs. Et puis comment déclarer qu’on s’engage pour l’alternance à droite si par ailleurs on est de gauche? Est-ce éthique d’être déloyal dans un but stratégique ? La réponse est sans doute dans la sensibilité de chacun et dans l’importance accordée à la parole donnée : il faut au minimum que chacun se mette devant sa conscience, se demande si cette attitude est juste et si elle sert le bien commun.
Catherine Belzung, membre du Conseil des Semaines sociales de France
Merci. Cependant il manque quelque chose au titre, un point d’interrogation, « une question d’éthique » ?
Vous avez raison.. un point d’interrogation a donc été ajouté au titre
Il me semble que la société française a toujours été plus attentive et respectueuse des institutions que des contrats, à l’inverse des sociétés anglo-saxonnes, particulièrement la société américaine, qui, au fond, ne connaissent à peu près que le contrat. Elles passent des contrats bilatétaux ou synallagmatiques à propos de tout et règlent tout ensuite par avocats. C’est ce qui explique que l’on ne peut pas faire signer à l’entrée en France un document disant que l’on n’attentera pas à la vie du chef de l’Etat. Ca n’aurait aucune conséquence, (ce qui n’est pas le cas aux Etats-Unis). En France le parjure n’existe pas ! Au moins en droit. En bref : dire formellement que l’on adhère aux valeurs du parti pour lequel on vote lie moins que le vote lui-même et son issue possible. Je sais, c’est un peu biscornu mais c’est très latin, très romain. Bien sûr le droit français subit la pression anglo-saxonne mais nous pouvons encore pour l’instant préférer le vote réel aux engagements sans véritable poids que l’on prend en votant ! Ce qui n’empêche pas de donner de la cohérence à ses actes, mais pas forcément celle, scrupuleuse, qui est décrite dans l’article. On peut par exemple préférer éviter l’arrivée du FN au pouvoir à toute autre considération.
Bien sûr Jean Pierre! c’est bien pour cela que l’article se terminait par la proposition que chacun scrute sa conscience, en donnant une place cruciale au bien commun.
l’autre jour j’ai entendu cette phrase :
« la politique au sens noble est service de la société avec la participation de tous les citoyens; elle est sensée susciter pour tous une économie équitable où la nature est respectée où les lois protègent et où les médias relient les personnes et leur ouvrent des horizons »
le fossé est grand entre cette présentation noble, idéale, je dirais, de la politique et ce que nous entendons à longueur de journée sur les ondes…
citoyenne lambda, pour la question des primaires, je préfère rester loyale et ne voter que pour celle qui correspond à ma sensibilité.
agir pour éviter l’arrivée du FN au pouvoir, je le vois plus comme un travail de fourmi dans mes relations en famille, au travail pour démonter les peurs, souligner les actions positives qui existent mais dont on ne parle pas et inciter à être chacun des citoyens responsables.