Par Jean-Pierre Rosa
L’annonce de la vente de 24 avions Rafale au Qatar et la perspective d’en vendre encore d’autres à aux Émirats arabes unis à l’Égypte ou à l’Inde a de quoi surprendre surtout lorsque cette annonce tombe en même temps que celle de la participation de François Hollande au sommet extraordinaire du Conseil de coopération du Golfe (CCG), lundi 4 et mardi 5 mai à Riyad, en Arabie saoudite. En réalité les Émirats arabes, inquiets de la montée en puissance de l’Iran et peu rassurés par la politique intransigeante des États-Unis, cherchaient un allié chez les Occidentaux. Pour notre honte, ils l’ont trouvé chez nous.
Pierre-Yves Le Drian, interrogé ce matin à la radio répondait sans sourciller que ces ventes « font marcher le commerce » ! Que nous devons être fiers de notre industrie aéronautique de guerre et que, sinon, ça va faire du chômage ! A la question de savoir pourquoi nous nous mêlons de vendre des armes de guerres à un pays notoirement connu pour son soutien aux terroristes, il utilise un argument spécieux : « Certains Qatari soutiennent peut-être Daech (oui, c’est même sûr reconnaît-il), mais pas l’État du Qatar ». Et lorsqu’on lui demande pourquoi nous allons soutenir les émirats sunnites wahhabites (la forme la plus intégrisante de l’islam, juste un cran en dessous du salafisme, le ministre répond sans se démonter que la France doit tenir sa place dans la diplomatie moyen-orientale et qu’elle n’a pas à s’aligner sur la position des États-Unis. Un petit coup de cocorico, une pincée d’antiaméricanisme et voilà l’affaire close.
On aurait attendu de l’exécutif français, quelle que soit sa couleur politique, qu’il ait une vue un peu plus cohérente et moins court-termiste de sa mission.
Il y a là un motif d’incompréhension profond et de désorientation non seulement pour le peuple français mais aussi pour la communauté musulmane française. Voilà des mois qu’on lui demande de montrer patte blanche, de donner des gages de laïcité à ce pays fondateur de la démocratie, des droits de l’homme et de la séparation des Églises et de l’État. Et voilà que, pour quelques contrats, la plus haute autorité de l’État va se commettre avec un pays où les droits de l’homme sont bafoués et va donner des gages à ceux qui arment le terrorisme international. Le moins que l’on puisse dire est que l’Exécutif français ne donne pas l’exemple. Il pourra bien ensuite mettre en avant sa sacro-sainte laïcité, on ne le croira plus. Il est temps de réaliser que nous sommes en guerre et que cela nous coûtera de la sueur du sang et des larmes.
Jean-Pierre Rosa, de l’équipe du blog
photo AFP