Par Jean-Pierre Rosa
C’est une véritable gifle qui a été donnée ce 29 avril par le Conseil d’administration de Renault à l’État français et aux actionnaires de la firme. L’Etat, actionnaire à 20 % de la société s’était en effet opposé à l’augmentation de la rémunération de Carlos Ghosn, PDG de Renault. L’assemblée des actionnaires, sensibilisée à la question des rémunérations, avait rejeté, à 54 %, l’augmentation du patron de Renault. Certes, le vote de l’assemblée n’est que consultatif mais c’est la première fois qu’ un Conseil d’administration passe outre. Et il ne lui a pas fallu longtemps, à peine une dizaine de minutes d’une réunion qui s’est tenue dans la foulée de l’assemblée.
C’est donc une décision de principe, une décision politique qui a été prise. C’est en fait une manière de rappeler à l’État et aux actionnaires que les vrais maitres de toute décision ne sont ni les actionnaires ni les politiques mais les seuls membres de Conseil d’administration.
Il faut remonter un peu en arrière pour saisir toute l’ampleur de l’affaire. En 2014, le PDG avait été augmenté de 167 %. Son salaire était en effet passé de 2,67 millions à 7,2 millions d’€. Augmenation mirobolante qui avait très mal passé au moment même où Renault avait imposé un gel des salaires.
Cette année, les constructeurs automobiles sont pris dans la tourmente de la fraude aux systèmes antipollution pour Volkswagen et dans le conflit d’intérêt pour tous les autres constructeurs qui paient les organismes qui les contrôlent.
Eh bien peu importe l’État, les actionnaires, la pollution et l’opinion semblent dire les membres du Conseil d’administration. Mais que défendent-ils au fait, avec une indécence qu’ils assument toute honte bue ? Leurs propres intérêts ? Peut-être, pour une part, mais leurs motivations sont plus profondes. Une politique de rémunération des patrons en France ? Non plus puisque le patron du Medef lui-même s’en émeut ! Lorsqu’on lit leurs biographies, on constate qu’ils sont aussi membres de quantités d’autres multinationales. Il faut bien se rendre à l’évidence : c’est le capitalisme néo-libéral mondialisé qu’ils représentent et pas les actionnaires de Renault. Un capitalisme qui refuse toute élémentaire modération. Et toute ingérence. Mais un capitalisme qui a besoin de soldats dans son camp. Et Carlos Ghosn fait partie de ses excellents fantassins. Il doit donc, au mépris de tout et de tous, être récompensé pour continuer à servir cette cause.
Jean-Pierre Rosa, de l’équipe du blog