Par Catherine Belzung
Après l’onde de choc lié à l’ « affaire Cahuzac » en décembre 2012, puis le scandale déclenché par l’affaire de l’évasion fiscale aux îles Caïman en 2013, et enfin la révélations des pratiques de la filiale suisse de la banque HSBC en février 2015, les décideurs politiques nous assuraient que désormais tout était fait pour endiguer les évasions fiscales : des dispositions étaient prises, et ce genre de scandale était derrière nous. Et de fait, des efforts indéniables ont été entrepris, à la fois sur le plan national et international. Ainsi, la plupart des places financières mondiales (comme la Suisse) ont mis fin au secret bancaire à des fins fiscales, et cela s’est par exemple traduit par la signature de près de 900 accords bilatéraux d’échanges de renseignements. Et pourtant, nous voilà aujourd’hui devant un nouveau scandale, plus vaste encore que les précédents : celui dit des « Panama Papers », impliquant des dispositifs sophistiqués comme des sociétés offshore, un pays peu scrupuleux comme le Panama (connu depuis longtemps comme l’un des paradis fiscaux les plus confortables du monde), ainsi que les bénéficiaires, parmi lesquels des hommes politiques, des sportifs, des artistes.
Quel enseignement en tirer ? L’une des choses les plus frappantes dans cette affaire mais aussi dans les précédentes est la place cruciale et déterminante prise par l’action citoyenne. En effet, remarquons que concernant Panama Papers, l’affaire a été déclenchée par un lanceur d’alerte (donc un citoyen, pour l’instant anonyme), puis prise en charge par un réseau international de journalistes (le Consortium international de journalistes d’investigation) de même sensibilité (comme le Guardian ou Le Monde). Et ce même processus (le rôle central joué par un lanceur d’alerte puis par des journalistes) a été à l’origine de l’affaire HSBC par exemple. Quelle conclusion en tirer ? Sans doute que pour faire des pas décisifs dans la lutte contre l’évasion fiscale, l’action des décideurs politiques est nécessaire, mais pas suffisante. Tout comme l’est l’action citoyenne. Il faut donc une participation active simultanée et déterminée de deux acteurs : la société civile, si possible composée de citoyens organisés en réseau coopératif international, et celle des décideurs politiques. Les uns proposant des dispositifs juridiquement contraignants, les autres informant, dans un cercle vertueux constant. Ce n’est qu’en combinant des actions « top down » (c’est à dire venant des décideurs) et des actions « bottom up » que l’on peut éradiquer progressivement ce désastreux phénomène. Bien sûr, il risque d’y avoir d’autres affaires, les 1% de plus riches n’aimant guère partager, mais petit à petit les choses pourront changer. Nous avons donc tous notre rôle à y jouer !
Catherine Belzung, membre du CA des SSF