Par Catherine Belzung
On en parle peu en France mais ces jours ci, plus de 30 000 maires, ministres, hommes politiques et urbanistes du monde entier se sont réunis à Quito (Equateur) pour la 3ème conférence des Nations Unies sur l’Habitat et le développement urbain durable. L’occasion de faire le point sur le bien-être des habitants de nos grandes villes.
Même si les mégapoles offrent d’excellentes opportunités de rencontres enrichissantes, des études récentes ont montré que les cités densément peuplées exposent aussi les habitants à des effets moins favorables, tels la pollution de l’air, le bruit ou l’absence d’espaces verts : ces facteurs causent anxiété et mal-être chez les habitants. De façon intéressante, des méta-analyses récentes ont montré que la cause principale de ce sentiment de mal-être des citadins était expliqué par le stress social, tel que la marginalisation, l’isolement social (en particulier l’isolement au milieu d’un endroit densément peuplé), l’exposition à un taux de criminalité élevé ou l’absence de support social. Ces stress n’affectent pas seulement le sentiment de mal-être des habitants : ils modifient aussi le fonctionnement de leur cerveau, et de façon durable. En effet, des chercheurs ont montré que l’activité du cerveau est altérée par le contexte urbain, en particulier l’activité des zones cérébrales impliquées dans l’anxiété et de la régulation du stress (Lederbogen et al., 2011). Par ailleurs, le taux de certaines pathologies mentales est augmenté : + 21% pour les maladies de l’anxiété, 39% pour la dépression, et concernant la schizophrénie, son incidence est multipliée par 2.75 chez des personnes qui ont passé les 15 premières années de leur vie dans une grande ville (Pedersen et Mortensen, 2001). Un pourcentage d’autant plus élevé que la ville est grande et que la durée passée est longue.
Mais sommes nous alors condamnés, étant donné l’essor des mégalopoles, à un horizon saturé de stress et de maladies psychiatriques? Loin de là, car justement, l’identification des causes de ces dysfonctionnements permet aussi d’imaginer des solutions. Il a par exemple été montré que la présence d’espaces verts dans les villes augmente le bien être, et ceci de façon proportionnelle à leur taille (Lincoln et al., 2016) et à l’importance de leur biodiversité (Fuller et al., 2007). Par ailleurs, quoi de plus « facile » que de lutter contre l’isolement social ou contre la marginalisation, en intégrant les personnes concernées dans un réseau social bienveillant, quoi de plus « facile » que de fournir un support social aux personnes qui en ont besoin ? Ceci n’est qu’une question de détermination à agir. Certains penseront qu’il s’agit là d’une utopie, que l’on ne peut mettre en œuvre qu’à une petite échelle avec quelques rares acteurs particulièrement motivés. Mais il n’en est pas ainsi et des expériences ont montré que le contexte urbain n’est pas incompatible avec de grands mouvements de solidarité : ceci s’est par exemple concrétisé avec le Mouvement « Occupy Sandy » (Occupysandy.net), un gigantesque réseau de solidarité populaire qui est né à New York à la suite du Cyclone Sandy qui a dévasté le Nord Est des Etats Unis en octobre 2012. Plutôt que de compter sur l’aide extérieure, les habitants se sont mobilisés pour s’entraider les uns les autres, ce qui démontre que des grandes mégalopoles peuvent devenir un laboratoire de générosité impliquant l’ensemble de la population. De façon intéressante d’ailleurs, ce mouvement s’est par la suite engagé dans des actions à plus long terme, ce qui souligne à quel point cet élan correspond à une attitude profondément ancrée dans le cœur de l’Homme. La solution consiste sans doute à changer de regard, à faire confiance à tout le potentiel d’empathie, d’entraide que chacun a en lui et de créer les conditions pour en maximiser l’expression. Et la ville prendra un tout autre aspect !
Catherine Belzung, membre du CA des Semaines sociales de France