Par Jean-Pierre Rosa
Dans une interview récente de Pierre Gattaz, patron du medef, donnée au quotidien La Croix, je tombe sur cette perle : « La France qui résiste à la loi El Khomri est cette France qui a peur, à qui on n’a pas bien expliqué les changements – la mondialisation de l’économie… –, une France qui a laissé son industrie péricliter. Ce sont des Français qui n’ont pas de projet collectif enthousiasmant et je dirais même fraternel, et qui se referment sur eux-mêmes. »
Ainsi 70 % des Français seraient, selon plusieurs sources, des peureux, des sous-informés (pour ne pas dire des idiots), des fainéants ou des inconscients, des blasés, des inamicaux et des égoistes. Fichtre ! Pierre Gattaz voudrait jeter de l’huile sur le feu qu’il ne ferait pas autrement. Surtout qu’il le prend de haut le patron du Medef : avec un peu de pédagogie et d’explication tout irait mieux. Insulter ainsi une partie largement majoritaire de l’opinion ne semble pas faire peur au patron des patrons. A croire qu’il vit vraiment dans cette bulle des très hauts revenus (qui lui semblent normaux), où l’on perd tout contact avec ces Français dont il parle justement avec une morgue et une hauteur inadmissibles.
Eh bien non Monsieur Gattaz, la France qui résiste à la loi Travail est cette France qui réclame justice, considération et respect. Dire que l’entreprise doit être vue comme une « cellule de base de la société… la plus belle après la famille » ne peut être aujourd’hui qu’un horizon lointain à construire. Sinon c’est une illusion. Ou une imposture. Les régimes juridiques de l’entreprise disent assez bien que l’entreprise appartient avant tout aux apporteurs de capitaux, pas aux salariés. Faire de la société anonyme la cellule de base de la société n’a rien d’enhousiasmant. Si l’on pouvait se mettre autour d’un table avec Monsieur Gattaz afin de mettre l’homme au centre de l’entreprise et de l’économie, nous pourrions peut-être nous entendre. A condition cependant qu’il n’insulte pas la France qui… travaille !
Jean-Pierre Rosa, membre des Semaines sociales de France