Par Jean-Pierre Rosa
Le premier problème de la loi travail c’est de ne pas avoir été précédée d’une grande consultation citoyenne comme cela est le cas de plus en plus souvent lorsque les sujets abordés touchent des fondamentaux de la vie sociale. Il s’agit là d’une méthode qui permet de mutualiser les idées, d’identifier les points de résistance, d’imaginer d’autres chemins pour aboutir, bref de mettre en route une démocratie participative aux côtés de la démocratie représentative qui continue d’avoir la légitimité républicaine et donc le dernier mot. Cette méthode permet surtout de lever les soupçons de passage en force ou de manipulation de la part d’un lobby.
Dans le cas précis, tout se passe comme si la position affichée du président Hollande pour lequel il s’agissait de faire avancer la productivité des entreprises en même temps que la sécurité des employés, était démenti par la méthode et qu’elle n’était qu’un affichage mensonger destiné à masquer un recul de la protection des salariés du privé au bénéfice des entreprises.
Le dommage occasionné par cette loi est tel que toute entreprise de déminage et de recul est vouée inexorablement à l’échec.
Il va donc falloir retirer la loi et tout reprendre à zéro. Et commencer par examiner de près ce que font nos voisins européens. Une convergence des pratiques européennes ne serait pas mauvaise, encore faudrait-il qu’une vraie évaluation de leur impact soit faite. On cite par exemple souvent les lois Schröder qui, en assouplissant les règles du travail ont permis aux entreprises allemandes de gagner en compétitivité en Europe et dans le monde. Mais on sait aussi que les inégalités ont explosé en RFA. Qu’en est-il exactement ? La croissance allemande est-elle suffisamment forte pour justifier une augmentation des inégalités ? On peut légitimement en douter. Il reste que la pression des entreprises mondialisées inquiète à juste titre. Faut-il pour autant céder au moins disant social ? Ce recul est-il le seul moyen de retrouver des marges de manœuvre dans la compétition générale des économies ?
Il faudra en débattre. Il faudra organiser ce grand débat qui a manqué avec l’ensemble des corps intermédiaires dont, bien évidemment, les syndicats. Mais il ne faudra pas manquer d’y associer, d’une façon qui reste à inventer, les premiers concernés c’est-à-dire les chômeurs.
Jean-Pierre Rosa, de l’équipe du blog
Il manque dans cette analyse le constat que la première des inégalités ,particulièrement bien enracinée en France, est celle qui sépare les « inclus » (tous les bénéficiaires d’emplois à statuts , notamment publics) et les « exclus », par exemple les chômeurs ou salariés précaires.
On peut soutenir que tout ce qui réduit la barrière à l’accès à un emploi moins précaire que le CDD, est bon pour diminuer l’exclusion…
Quant à donner la parole sur ce sujet aux seuls représentants de la défense des statuts (syndicats…), c’est une garantie d’absence d’accord sur le projet…
La toute première des inégalités passe bien entre ceux qui ont un emploi et ceux qui n’en ont pas. C’est pourquoi je demandais que le grand débat nécessaire à cette loi aurait dû – et devra – y associer les chômeurs. La difficulté, c’est que les chômeurs sont mal représentés en tant que tels. Faut-il créer de toutes pièces une structure représentative des chômeurs, avec droits syndicaux ? Ou faut-il admettre que les syndicats actuels ont fait suffisamment d’efforts pour les représenter ? La question est ouverte mais je ne serai pas comme vous pessimiste. Les jeunes font plus confiance aux syndicats que la moyenne des Français…
http://www.la-croix.com/Famille/Face-leur-avenir-incertain-jeunes-restent-confiants-2016-03-29-1200749782
Peut-être parce qu’ils sont plus au fait des changements que ceux qui, revenus de tout, ne voient pas le monde changer !