Les inégalités se creusent en Europe

Par Jean-Pierre Rosa

On savait que les inégalités se creusaient en Europe. On connaissait les chiffres, assez inquiétants pour la France notamment. Mais il a fallu une étude du Secours catholique Ile-de-France pour donner un peu de chair à ces calculs statistiques distants. On apprend ainsi que, si la Région Ile-de-France est la plus riche de France, elle est aussi celle qui cumule les inégalités les plus fortes. Relation de cause à effet ?

Pas impossible : composée de 8 départements et forte de 12 millions d’habitants, l’Ile-de-France est la première région économique en France avec un PIB représentant 31% de la richesse nationale. C’est la région qui « tire » le pays. C’est à la fois le moteur et le modèle de la nation. Or si c’est la région où le niveau de vie est le plus élevé du pays, c’est également celle qui concentre les plus fortes disparités : le niveau de vie des 10 % de ménages les plus aisés y est 5 fois supérieur à celui au-dessous duquel se trouvent les 10 % les plus modestes. Un record.

Pour le dire autrement, la moitié des ménages franciliens disposent de 22 200 € par unité de consommation contre 19 800 en France métropolitaine. Mais les pauvres y sont plus pauvres : près de 900 000 personnes y vivent avec moins de 750 € par mois.

Mais le plus grave réside dans la tendance lourde observée sur la période 2002-2012 : En 8 ans, la proportion de ménages pauvres a augmenté deux fois plus vite en Ile-de-France qu’en France métropolitaine (+ 5 points contre + 2,6 points). S’il y a donc bien un creusement des inégalités en France il est plus rapide en Ile-de-France qu’ailleurs.

Ce à quoi il faut ajouter pour être complet, une disparité forte entre départements et, à l’intérieur d’un même département entre communes riches et communes pauvres. Ainsi se créent de véritables trous noirs où l’accroissement de la pauvreté n’en finit pas d’augmenter. Taux de chomage autour de 15 %, allocataires du RSA autour de 35 %, grande pauvreté en progression, pauvreté infantile en forte augmentation, bref, tous les indicateurs sont au rouge foncé dans ces quelques communes qui semblent travailler à concentrer toute la misère de la région la plus riche du pays.

Qu’il s’agisse de logement social, d’éducation, d’accès au soin, d’espérance de vie, le constat est le même : quelques communes, essentiellement de Seine Saint-Denis cumulent de plus en plus les handicaps, laissant la région Ile-de-France caracoler en tête de la richesse nationale.

Et pendant ce temps, en Allemagne, le niveau de vie des 10 % des Allemands les plus riches est non pas 5 fois, comme en Ile-de-France, mais 8 fois plus élevé que celui des 10 % les plus pauvres. Dans les années 90 ce rapport n’était que de 6 pour 1.

N’y a-t-il pas, derrière ces chiffres, la réalité d’une Europe engagée dans une compétition mondialisée marquée par la course au moins disant social ? N’est-il pas temps de donner de la voix pour inverser une tendance que l’on présente trop souvent comme une fatalité ? Les différents mouvements qui, un peu partout dans le monde, se sont levés pour s’insurger contre le désordre établi ne représentent qu’un début de réponse, qui est de l’ordre de l’indignation morale. Il faudra en passer par la voie politique et savoir qu’il s’agit de s’attaquer à un système idéologique qui semble avoir fait main basse sur le monde et sa richesse. Sinon, c’est le désespoir qui s’installe et, avec lui, le nihilisme terroriste.

Jean-Pierre Rosa, membre de l’équipe du blog

3 Commentaires

  1. Jean-Guy Marès

    Dans une France où il y a, pour 20 millions d’emplois privés seulement, 8 millions de personnes aptes à travailler mais sans emploi (5 millions en 2005, moins de 1 million avant 1980) les inégalités ne viennent pas des 10% les + riches, mais de l’appauvrissement des laissés pour compte de la richesse et de la sécurité de l’emploi de ceux qui ont du travail.
    Pour réduire ces inégalités il faut un plan de création de 5 à 6 millions d’emplois: une gageure et surtout une révolution contre le « modèle français » avec une nécessaire éducation économique et sociale du peuple français.

  2. Jean-Pierre

    L’Observatoire des inégalités contredit votre affirmation : « les inégalités ne viennent pas des 10% les + riches ». Les 0,01 % les plus riches ont vu leur revenu augmenter de 42,8% et les 0,1% de 11,8% entre 2004 et 2011
    http://www.inegalites.fr/spip.php?page=article&id_article=1456

    Ceci dit, la question est surtout : pourquoi est-ce ainsi et, surtout, pourquoi est-ce pire en Allemagne, ce qui exclut toute réponse fondée sur les particularités du peuple français mais incrimine bien l’économie néo-libérale et l’effet délétère de la régulation par le seul marché que cette idéologie promeut.

    • Jean-Guy Marès

      vous avez surement raison pour le 10è décile, surtout pour les 0.01% dont la constitution du revenu n’a aucun sens pour l’immense majorité des revenus.
      EN REVANCHE je vois que le décile le plus pauvre a bien un revenu en régression alors que les 8 déciles au dessus ont une progression modeste. (je n’ai pas trouvé 2015)

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