Les chiffres du mariage

par Annabel Desgrées du Loû

Les médias ont largement relayé l’étude de l’INSEE  selon laquelle le nombre de mariages entre personnes de sexe différents célébrés en 2013, autour de 231 000, est le plus bas depuis l’après-guerre.

Le mariage a-t-il fait long feu ?

Laurent Toulemon, démographe, relativisait dans une interview donnée à La Croix cette « disparition », avançant qu’avec l’arrivée du PACS, on aurait pu s’attendre à bien pire. « Dans un tel contexte, on pourrait assister à un véritable effondrement du mariage, ce qui n’est pas le cas. Il résiste et est globalement devenu un choix de couples bien établis, qui y voient une occasion de faire la fête et d’inscrire leur union dans la durée ».

Une analyse plus fine des chiffres montre en tous cas qu’on continue à s’unir et à rendre cette union officielle, mais pas de la même façon qu’avant. En ajoutant PACS et mariages de l’année 2013 on obtient un nombre total d’unions officialisées d’environ 400 000, soit similaire au nombre des mariages dans les années 70, âge d’or du mariage.

Le mariage n’est plus l’étape seuil de la constitution d’une famille. Mais il l’accompagne voire la « consacre ». C’est un processus qui s’inscrit dans le temps, par étapes. On peut commencer par un PACS, ou/et par un ou plusieurs enfants, puis on se marie … assez souvent en fait. Les PACS constituent quelquefois la première étape du mariage : lorsqu’ils sont rompus, dans 40 % des cas c’est pour un mariage.

Les chiffres globaux cachent ainsi la dynamique des parcours. On entend beaucoup que « la majorité des enfants naissent hors mariage ». En fait tout dépend du rand de naissance : si plus de 6 premiers-nés sur 10 naissent dans des couples non mariés, ce n’est plus le cas que de 30% des troisièmes enfants.

On retrouve ailleurs cette notion de mariage par étapes. En Afrique par exemple, où coexistent le mariage traditionnel, le mariage civil, le mariage religieux. Etre marié selon toutes ces dimensions peut prendre des années, voire des décennies. Pour autant dès que le processus est enclenché, dès qu’une de ces étapes est franchie, on s’estime lié, on dit « ma femme » ou « mon mari ».

Plutôt que d’annoncer la fin du mariage, il faut sans doute réfléchir aux nouveaux modes d’inscription du mariage dans la vie des gens. En France, notre appareil statistique actuel est peu adapté à bien décrire et comprendre ce qui se passe, au niveau individuel et au long de la vie. L’enquête EPIC menée actuellement par l’Institut National d’Etudes Démographiques, qui s’intéresse aux parcours conjugaux et pas seulement aux décomptes d’actes (mariages, divorces, PACS) devrait nous renseigner plus finement.

Et nous enseigner que se marier peut prendre toute une vie …

Plus qu’un évènement à préparer, c’est un processus à accompagner.

1 Commentaire

  1. Jean-Pierre

    « Se marier peut prendre toute une vie ». Tel pourrait être, au fond, un des messages à adresser aux évêques du monde, bientôt réunis en synode. Il contient une question : comment penser à la fois la décision, le choix, dans l’instant et dans la durée ? Les couples le vivent bien souvent sans se le formuler. Travailler cette question au niveau théologique et pastoral mériterait sans doute un peu de peine !

Laisser un commentaire