Par Marie-Christine Monnoyer
La fondation de l’abbé Pierre a publié le 28 janvier son 21° rapport sur le mal logement en France. Près de 700000 personnes sont privées de logement personnel et 2,7 millions vivent dans des conditions de logement très difficiles. Derrière ces chiffres glaçants, les auteurs du rapport analysent le fonctionnement, et surtout le dysfonctionnement, des dispositifs de l’ « aide au logement » et détaillent la réalité des moyens financiers consacrés à la politique du logement.
Les dispositifs publics se sont « empilés » depuis un quart de siècle et ressemblent désormais à une gestion de la pénurie, plus qu’à une politique construite. Une remise à plat des dispositifs est indispensable. Comme le montrent de nombreuses pratiques qualifiées d’expérimentales ( Groupe Amitié et Fraternité à Toulouse, les Enfants du Canal à Paris) , le processus doit mieux intégrer les demandeurs, même ceux qui sont en grande précarité. Une localisation choisie par les personnes en fonction de leur lieu de travail, de l’école de leurs enfants, a plus de chance d’être acceptée, et de devenir source de résilience qu’un appartement proposé parce qu’il se libère. Le logement ne doit plus être considéré comme la fin d’un parcours d’insertion vertueux mais comme le support du retour à l’autonomie et la reconstruction de soi…
Le rapport identifie quatre verrous principaux qui expliquent la situation actuelle et les dysfonctionnements constatés :
La méconnaissance des besoins : l’Insee se fonde sur des données de 2006.. pour évaluer les besoins, c’est à dire avant la crise économique de 2008…. Les pouvoirs publics ont sous-estimé la croissance du nombre des ménages (familles monoparentales, vieillissement de la population, éclatement des familles…), ils sont dans l’ignorance du nombre de personnes vivant en squat ou en camping à l’année…, personne ne connaît de façon précise le montant des loyers par quartier.., le poids du logement dans le budget des ménages est généralement sous-estimé et les coûts économiques et sociaux du mal logement sont minimisés.
Les responsables politiques ont choisi de privilégier la construction neuve, peu accessible financièrement par les plus mal logés, au détriment d’une intervention sur le marché des logements (Robien, Sellier, Pinel..). Un certain encadrement des loyers ne se réalise pas malgré les textes votés, alors que des différences criantes apparaissent avec les pays voisins. Le rapport prix-loyer a ainsi baissé de 10% en Allemagne entre 1998 et 2011, alors qu’il doublait en France pendant la même période (Source OCDE).
Derrière le chiffre des dépenses publiques liées au logement (2,1% du PIB) se cache un tassement des efforts, puisqu’en 1984 la charge était de 2,3% du PIB. Ce chiffre n’est pas rapproché des recettes fiscales importantes qui dépassent sensiblement les dépenses réalisées.
Les associations d’aide aux mal logés, largement médiatisées ne constituent pas en fait une force sociale capable d’agir dans l’espace public, et le dialogue est insuffisant.
Ces constats ne sont guère contestés, comme le montrent le rapport du dispositif d’accompagnement vers et dans le logement réalisé pour l’Igas fin 2015, et le comité de suivi de la loi DALO. Il n’est plus nécessaire de légiférer, mais seulement de faire respecter les textes votés (pourcentage de logements sociaux, aires d’accueil, niveau des loyers…), de construire là où les besoins existent en respectant les règles de qualité, de tenir compte des réalités de la situation démo économique et d’écouter ceux qui sont proches des réalités quotidiennes. Est ce si difficile ?
Marie-Christine Monnoyer, Secrétaire générale des Semaines sociales de Toulouse
Photo Fondation Abbé Pierre. DR
Voilà 20 ans que la Fondation explique que tout va plus mal, ce qui ne résulte pas des données de l’INSEE, que je vous invite à regarder de plus près, notamment celles publiées sur son site.
Qu’il s’agisse du nombre de logements , et du confort de ces derniers, les choses ne vont p
(suite)pas plus mal , au contraire, pour l’immense majorité des Français (voir les séries « confort » de l’INSEE , sur longue durée).
Par exemple:http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATnon05237
Le fait qu’il y ait toujours des personnes mal logées , que ceci ne concerne qu’une fraction très minoritaire de la France,et que le flux de nouveaux mal logés – notamment issues de l’immigration – ne se tarisse pas, est une question d’une autre nature.
L’insee elle-même note la très forte augmentation des personnes sans domicile à Paris : 84% d’augmentation de 2001 à 2012. http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?reg_id=20&ref_id=21375
Certes, cela ne concerne QUE 28 000 personnes mais c’est tout de même 28 000 de trop. Vous vous souvenez de l’appel de l’Abbé Pierre en hiver 54 : « Mes amis, au secours, une femme vient de mourir gelée…. » Une femme, une seule, c’est une de trop.