Par Jean-Pierre Rosa
La mondialisation a un puissant impact sur l’éducation. Les politiques éducatives qui sont en effet la plupart du temps liées à une culture et restent, dans cette mesure, du ressort de la souveraineté nationale, se trouvent peu à peu et par pans entiers, soumises à une concurrence sans règles bien claires, si ce n’est celle de leur solvabilité c’est à dire de leur utilité immédiate1.
La première étape de l’évolution récente de l’éducation dans le monde, a été sa massification et sa féminisation. Évolution spectaculaire et positive qui fit passer en France les effectifs des étudiants de 135 000 en 1950 à 1,6 millions en 2015. Évolution parallèle dans le reste du monde. L’université est ainsi devenue un investissement de première importance et a engendré une recherche de financements et de débouchés internationaux de la part d’acteurs de plus en plus nombreux.
La seconde étape a été l’emballement de la mondialisation avec, au mieux la mutualisation, mais aussi au pire la mise en concurrence des parcours de formation dans le monde.
Aujourd’hui c’est la compétition qui l’emporte le plus souvent sur la coopération. Le fameux « classement de Shangaï » n’est pas le premier du genre mais c’est aujourd’hui le plus connu. Fondé sur des critères critiquables, il accrédite l’idée d’une hiérarchie mesurable de la recherche dans les universités du monde entier.
Dernière étape enfin : celle d’Internet qui démultiplie les effets de la mondialisation et permet à de nouveaux acteurs, privés la plupart du temps, de se placer sur le marché de l’offre éducative.
Cet écrasement des perspectives se fait bien sûr au détriment des formations « humanistes » qui ne sont ni « rentables » ni « mesurables ». Mais comme ces évolutions de fond se situent historiquement – pour l’Europe tout au moins – vers la fin des 30 glorieuses et l’arrivée du chomage de masse, la pression utilitariste s’en trouve renforcée.
On peut se demander, face à un aussi noir tableau, quelles sont les marges de manœuvre qui permettraient de sortir de cet emballement funeste. En réalité, à moins de devenir totalitaire, la mondialisation demande d’approfondir une compétence très particulière : la capacité de comprendre des cultures différentes, des personnes différentes par leur origine, leur milieu social… Et pour cela nous avons en gros trois leviers. Le premier est la profondeur historique qui permet de resituer les évolutions dans un contexte et de tenir compte … des cultures justement. Le second est la rencontre directe de l’autre qui ne peut se faire qu’en allant sur le terrain : service civique, volontariat international, tout doit être bon au déplacement. Le troisième est l’interdisciplinarité qui permet, à l’intérieur des etudes et de la recherche, une confrontation décapante.
L’économie offre un bon exemple de ce triple déplacement. En effet, si l’économie peut vite tourner à la modélisation mathématique, elle doit aussi, pour rester fidèle au réel qu’elle a pour tache de décrire, de tenir compte des dimensions historiques et sociales qui lui sont inhérentes.
Jean-Pierre Rosa, membre des SSF