Par Dominique Quinio
« En démocratie, c’est le peuple qui donne le pouvoir aux gouvernants (…) Je suis debout devant le suffrage universel ». Alors qu’il avait affirmé le contraire, le 26 janvier sur TF1, François Fillon a décidé de maintenir sa candidature à l’élection présidentielle en dépit de sa mise en examen dans l’affaire des soupçons d’emplois fictifs concernant son épouse et deux de ses enfants. « Je m’en remets désormais au seul jugement du suffrage universel », a-t-il dit encore dans le Figaro.
Le Parquet national financier a ouvert son enquête le 25 janvier dernier. Deux mois de péripéties médiatiques, judiciaires et politiques se sont écoulés qui ont rythmé la campagne électorale au point d’occulter les questions de fond (voir plus haut le billet de Catherine Belzung), même si de nombreux médias s’efforcent de présenter les différents programmes, thème par thème.
Une nouvelle ligne de défense a été adoptée par François Fillon et son entourage : contestation de la compétence du Parquet national financier à juger de ces questions ; mise en avant d’un acharnement médiatique orchestré par ses adversaires politiques et volonté de ne pas renoncer à la chance de remporter l’élection, aucun « plan B » ne paraissant en mesure de relever le défi.
On retiendra pourtant que le premier réflexe de François Fillon fut d’annoncer qu’une mise en examen l’amènerait à renoncer. Cette affirmation était-elle basée sur le sentiment que cela n’arriverait pas ou sur la conviction qu’une mise en examen était incompatible avec l’aspiration à devenir président de la République, même si au bout de la procédure, un non lieu devait être prononcé ? Cela lui était alors apparu comme une évidence.
Cette intuition première a été soigneusement gommée, au risque d’accroitre le malaise dans certains rangs de son électorat potentiel et un regain de critiques chez les autres devant un revirement aussi spectaculaire. Mais les rangs de la droite se sont resserrés autour de François Fillon, pour ne pas laisser s’envoler la promesse de l’alternance. Beaucoup d’élus et d’électeurs de droite se sont fait une raison : pour donner une chance au programme défendu par le candidat, programme qui lui avait permis de remporter haut la main la primaire de la droite et du centre, il fallait laisser se dérouler le processus électoral.
Mais de là à dire que le suffrage universel vaut jugement ! Il n’est pas sûr que tous ses futurs électeurs signeraient le propos, notamment parmi ceux qui voteront François Fillon « malgré » la mise en examen, faute de mieux. C’est d’ailleurs l’une des marques de nos démocraties contemporaines que d’élire par défaut ou par protestation plutôt que par adhésion.
Le suffrage universel n’efface pas la faute, s’il y a eu faute. La victoire n’absout pas, pas plus que la défaite ne condamne. Même si François Fillon était élu, l’enquête, les soupçons, la mise en examen resteraient suspendus au-dessus de sa tête. Et s’il n’était pas élu, cela ne vaudrait pas condamnation judiciaire – morale, peut-être, mais c’est une autre histoire. Cela ne signifierait pas sa culpabilité au regard de la loi. La séparation des pouvoirs, c’est aussi cette distinction.
Dominique Quinio
Présidente des Semaines sociales de France
Cette histoire judiciaire, quelle que sera son issue , ne saurait laisser oublier la précipitation inouïe de la justice,et l’importance des moyens engagés, dans une affaire où F Fillon a réagi comme s’il se sentait dans son « droit ». Personne ne s’est intéressé aux très nombreux autres parlementaires employant leur famille…Cette précipitation et ces moyens donnent un sentiment de malaise , notamment lorsqu’on songe à la « sage » lenteur de la justice dans les affaires courantes: tel jugement en référé ,il est vrai dans une affaire prud’homale de quelques milliers d’euros (plusieurs mois de salaire…), d’un quidam non candidat, n’est pas parvenue à son destinataire 9 mois après le jugement…