Par Mathieu Monconduit
Dans la torpeur du mois d’août, Marisol Touraine et Laurent Fabius ont annoncé lors d’une réunion commune « de nouvelles mesures pour renforcer la visibilité internationale de notre offre de soins … » mettant en exergue l’intérêt du « marché international de l’offre de soins (qui) présente des perspectives de croissance majeures, susceptibles d’engendrer des retombées substantielles en matière d’activité économique, de création d’emplois et de recherche en France. Développer l’attractivité médicale des établissements de santé français est donc une nécessité ».
Cette orientation proposée aux établissements de santé, avec l’appui du Ministre des Affaires Étrangères (aussi en charge du commerce extérieur), pour renforcer leurs recettes supplémentaires, me semble porteuse d’ambigüités et symptomatique d’une méconnaissance de ce qui anime nombre de professionnels de santé. Certes, on pourrait se contenter de voir là
– une menace pour les délais d’accès à certains experts. Les enquêtes concernant les différences de délai de rendez vous, entre consultations privées et consultations publiques à l’hôpital, montre trop souvent l’avantage du porte feuille
– ou encore un aval donné à la pratique de tourisme médical des plus riches et à l’accentuation des écarts dans l’accès aux soins entre riches et pauvres dans des pays dont le système de santé reste peu développé.
S’interroger sur de tels effets, et quelques autres possibles, serait déjà bienvenu.
Mais surtout c’est bien d’un conflit de valeurs dont il est question. Grâce au système d’Assurance Maladie développé en France, plusieurs générations de médecins ont pu engager les investigations et traitements que l’état des personnes malades nécessitait, indépendamment du statut social et de la solvabilité de celles-ci. Dans ce contexte les médecins sont des agents économiques normalement contrôlés par un payeur, l’Assurance Maladie. Ce payeur est garant de la destination universelle du bien commun que constituent le système de santé et les ressources qui lui sont allouées.
A l’inverse l’orientation proposée par nos deux ministres, risque de soumettre la santé aux seules exigences d’un système marchand où les soins dispensés sont dépendants de la solvabilité de la personne malade, liée à sa fortune ou à son contrat d’assurance santé. Les médecins y sont toujours des agents économiques, mais instrumentalisés au profit de systèmes assuranciels lucratifs. Leur notoriété et celle de l’établissement qui les héberge justifiera les montants des primes demandées, l’accessibilité dépendant d’abord du niveau de revenu du patient. Il n’est pas sur que cela satisfasse des soignants engagés dans l’égal et équitable accès de tous à la santé ni le sens que ce choix apporte à leur vie toute entière.
Mathieu Monconduit, Membre du Conseil des SSF
Pendant ce temps-là, nombre de médecins hospitaliers étaient en burn-out.