Par Dominique Quinio
Il y a de nombreux mois, déjà, alors que j’étais encore en responsabilité à la Croix, Jérôme Vignon a souhaité me rencontrer pour me faire une proposition, qui prend corps aujourd’hui : accéder, à la fin de son propre mandat, à la présidence de ce vénérable mouvement. Après mûre réflexion, j’ai répondu positivement.
D’autres candidats et candidates, j’en suis sûre car je les connais, auraient largement mérité cet honneur.
Je suis alors entrée dans un long processus d’apprentissage (une sorte de contrat en alternance) aux côtés de Jérôme, bien sûr, de l’équipe permanente et de toutes les instances des Semaines sociales de France. Je les remercie tous de leur accueil et de rôle de maître d’apprentissage. J’ai également rencontré les responsables des différentes antennes régionales lors de leurs réunions à Paris, mesurant ainsi la richesse du maillage territorial que vous représentez.
Vous me connaissez peut-être par ma longue carrière au journal la Croix, quotidien d’informations générales, de conviction catholique, où j’ai travaillé pendant plus de 40 ans et que j’ai dirigé pendant dix ans. Je suis journaliste, voilà ma formation. J’aime à dire que je ne suis spécialiste de rien et curieuse de tout. Le monde dans lequel nous vivons me passionne ; la vie des hommes, d’ici et d’ailleurs, me passionne. En toute immodestie, j’ai pu m’approprier comme ligne de conduite – pour moi et pour le journal – les premières lignes du texte fameux de Vatican II, la constitution pastorale sur l’Eglise dans le monde, Gaudium et Spes : « Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur. » Le cardinal Etchegaray, à l’occasion du jubilé des journalistes en l’an 2000, les invitait à « à voir aussi loin qu’il y a un homme ». « Il vous revient d’être les veilleurs d’un monde nouveau qui se lève », disait-il encore.
Une belle et exigeante feuille de route dans laquelle il me semble que les Semaines sociales peuvent absolument se reconnaître. Et qui éclaire la mission essentielle de ces lieux de frottement entre le christianisme et la société, ces lieux qui mettent en relation, en dialogue, qui unissent ceux qui pensent ou croient différemment, et ne veulent pas diviser: les associations sont de ces lieux-là. Et les Semaines sociales particulièrement, qui ont pour objet de s’intéresser à la société pour la comprendre, décrypter ses complexités, éclairer ses injustices et ses failles et aider, avec d’autres, à la transformer.
Peut-être est-ce en raison de cette continuité de mission que je serai heureuse d’accéder à cette nouvelle responsabilité. Peut-être aussi parce que mon premier patron à Bayard presse fut Jean Gélamur : son rôle aux Semaines sociales fut marquant. Et que Bayard abrite les modestes locaux des Semaines. Je suis également sensible au grand âge des institutions, qui sont le signe de leur durabilité (un concept très écologique, n’est-ce pas) et de leur résistance, de leur utilité : la Croix ou les Semaines Sociales sont plus que centenaires, elles me séduisent par leur esprit de fidélité et à leur capacité à se renouveler, à s’inscrire dans la société telle qu’elle est aujourd’hui. Et parce que des laïcs y jouent tout leur rôle.
Ici, si vous m’en jugez digne, je serai la première femme présidente comme je fus la première directrice d’un quotidien national. J’en suis fière, non par un féminisme exacerbé, mais tout simplement parce qu’il est bon que femmes et hommes travaillent ensemble au « salut du monde », mêlent leurs talents et capacités. Et enfin, j’ai tout à fait conscience de la difficulté de succéder à des hommes (président ou directeur) de grande valeur qui ont marqué formidablement l’histoire de leur institution. Je ne « remplacerai » pas Jérôme Vignon (je n’ai pas remplacé Bruno Frappat). Simplement, à ma manière, j’habiterai la fonction qui me sera confiée, dans la continuité, mais sans me satisfaire d’un copier-coller paresseux. En m’appuyant sur une équipe mêlant les anciens, piliers des semaines sociales, et des nouveaux que nous avons choisis ensemble.
Venant d’un quotidien généraliste, arrivant dans un mouvement « généraliste », si l’on veut bien comprendre l’enseignement social-chrétien comme s’intéressant à tous les aspects de la vie des hommes (il n’est qu’à se remémorer la liste des thèmes abordés au cours des années pour s’en convaincre), je continuerai à être « curieuse de tout ».
A la suite de l’assemblée générale des Semaines sociales de France, qui s’est tenue jeudi 2 juin 2016, le conseil des Semaines sociales de France a élu Madame Dominique Quinio présidente des Semaines sociales de France, pour un mandat de trois ans.
Elle succède à Jérôme Vignon, président des Semaines sociales depuis 2007. Elle est la première femme à présider cette association créée en 1904.
Elle présidera la 91e session des Semaines sociales de France : « Ensemble, l’éducation » les 19 et 20 novembre 2016 à Paris.
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