Par Bernard Perret
Le texte que vient de publier la conférence des évêques (Dans un monde qui change retrouver le sens du politique) appelle les catholiques et tous les Français à se porter au chevet de la démocratie. Celle-ci en a bien besoin tant elle apparaît fragilisée par « une crise de confiance envers ceux qui sont chargés de veiller au bien commun et à l’intérêt général ».
On ne saurait mieux définir le malaise qui sous-tend la vague populiste qui menace de submerger le monde démocratique. Le mal n’est en effet pas propre à la France : quand un candidat à l’élection présidentielle américaine refuse publiquement de dire s’il acceptera le verdict des urnes, on se dit que la grande démocratie américaine est encore plus mal en point que la démocratie française. Et l’on peut presque en dire autant du Royaume-Uni : le Brexit fait apparaître au grand jour les failles de la société britannique et les tendances au repli sur soi qui la travaillent. S’il est exagéré pour l’heure de faire de la sécession britannique la preuve d’une dérive populiste, certains éléments sont bel et bien présents. Non seulement la passion souverainiste prend le pas sur l’intérêt économique – la place financière de Londres, et avec elle toute l’économie britannique, risque de souffrir – mais certaines annonces montrent que le gouvernement conservateur n’est pas sourd aux revendications xénophobes d’une partie de l’opinion. L’intention manifestée par la ministre de l’intérieur Amber Rudd de dresser des listes des travailleurs étrangers employés dans les entreprises britanniques en fournit une illustration inquiétante. Il est difficile de ne pas interpréter ces différents symptômes comme une forme de rejet de la mondialisation. Ce rejet est encore plus net aux Etats-Unis, où Donald Trump n’est pas le seul à l’incarner. On y voit s’affirmer depuis quelques années une gauche radicale (Bernie Sanders venant après le mouvement Occupy Wall street) qui devrait peser sur la ligne future du parti démocrate.
En Angleterre comme aux Etats-Unis, on se trouve face à des mouvements de défiance à l’égard des élites et de la technocratie, boucs émissaires commodes dans un contexte marqué par une accumulation de peurs et de frustrations de toute nature. Dans les deux cas, les observateurs pointent du doigt l’accroissement des inégalités sociales. Ces deux pays ont choisi de longue date un modèle libéral fondé sur la libéralisation des marchés, la marchandisation du travail et la déréglementation financière. Ce choix a été gagnant sur le front de l’emploi – leur taux de chômage est bien inférieur à celui de la France – mais il a eu pour prix élevé une précarisation et une paupérisation du monde du travail contrastant avec l’enrichissement constant d’une minorité de privilégiés. C’est un fait connu que la part de la richesse détenue par les 3 pour cent des américains est passée de 44,8 pour cent en 1989 à 54,4 pour cent en 2013.
Ce qui se passe dans le monde anglo-saxon a deux conséquences importantes pour nous. La première est que ce qui s’y passe actuellement pourrait modifier les rapports de force au sein des instances de gouvernance de l’économie mondiale. Les États-Unis et la Grande-Bretagne sont en effet le cœur politique et idéologique de la mondialisation libérale, le lieu où s’élaborent les schémas de pensée qui prévalent dans les instances comme le FMI ou la Banque Mondiale. Selon un haut fonctionnaire ayant récemment participé à une réunion d’une instance dirigeante du FMI, des changements sont d’ores et déjà perceptibles dans le discours des représentants du monde anglo-saxon, l’objectif d’une croissance plus « inclusive » étant désormais à l’ordre du jour. La seconde conséquence concerne la vie politique française. La situation que l’on vient de décrire devrait inciter à la prudence ceux qui dénoncent les blocages propres à la société française et prennent appui sur les succès anglais et américains dans la lutte contre le chômage pour vanter sans nuance les mérites du libéralisme. Nous sommes certes bien loin d’être exemplaires et la France a indéniablement besoin de réformes, mais force est de reconnaître que l’accroissement des inégalités finit par produire les mêmes effets délétères pour la démocratie que le chômage de masse. Il n’y a pas de solution miracle : tous les pays du monde sont confrontés aux conséquences sociales d’un ralentissement durable et structurel de la croissance économique. Le moment est venu d’inventer un modèle d’intégration sociale qui repose moins exclusivement sur celle-ci.
Bernard Perret, économiste
Si Bernard Perret avait lu Platon, il aurait compris que la démocratie pose plus de problèmes qu’elle n’en résoud, qu’elle est fondamentalement un leurre.Pour Platon l’avant dernière étape dans la décomposition du politique avant la tyrannie, et même pour Rousseau auquel nos évêques se réfèrent très imprudemment (Le contrat social, l’ont ils lu et compris?) « un gouvernement si parfait ne convient pas à des hommes ».
Alors, il y aurait autre chose à dire et à faire, par exemple inviter le peuple français à se convertir , à entendre la ,parole de Dieu dans le silence d’église ouverte et moins bavarde, plutôt qu’à lire les ordinaires banalités de la sociologie politique sur le déclin du politique. Quant au « populisme », ce n’est que le droit que s’arrogent les aristos d’aujourd’hui, la classe politico-cléricalo-médiatique, de mépriser un peuple qui ose rejeter ce qu’on lui demande d’adorer….et secouer nos bureaucraties intellectuelles.
Et si l’intégration sociale ne repose plus que sur une croissance économique défaillante….la Lumière du Monde, mise sous le boisseau des idéologies sociales et démocratiques a peut-être de lourdes responsabilités !
« inviter le peuple français à se convertir , à entendre la ,parole de Dieu ». Ca c’est un propos un peu imprudent, prosélyte à n’en plus pouvoir. Pas étonnant que le laïcisme progresse. Mais en fait vous ne dites rien sur le fond du billet qui consistait à mettre en garde contre une croissance des inégalités faisant le lit des partis populistes. Or la bonne nouvelle (non pas l’Évangile, une bonne nouvelle toute bête !), c’est que les instances internationales commencent à s’alarmer du danger. Au moment où la croissance ralentit, il y a lieu de se tourner vers d’autres modes d’intégration sociale. Certes, tout cela ne parle pas de Jésus Christ, au moins explicitement mais faut-il toujours que nous, les chrétiens sociaux, nous ayons toujours le Christ à la bouche ?