Par Catherine Belzung
Le Baccalauréat semble à première vue un diplôme parfaitement équitable, permettant à chacun, quelque soit son origine socioculturelle, d’accéder dans les mêmes conditions, selon les mêmes modalités, au précieux sésame permettant l’accès aux études supérieures et particulièrement à l’université. Mais est-ce réellement le cas ?
Regardons de plus près en prenant l’exemple du Bac S, le Bac scientifique. Pour obtenir le diplôme à « raz les pâquerettes », c’est à dire avec un 10 de moyenne générale, il faut 380 points : cette moyenne inclut les mathématiques, le français, la philosophie, les sciences de la vie, l’histoire-géo, la physique, deux langues vivantes, etc. Jusque là, rien à redire… Mais les choses se compliquent lorsque l’on se rend compte qu’il existe des options facultatives qui permettent de glaner des points additionnels, comme par exemple les langues anciennes. En effet, les épreuves de latin ou de grec ont un statut particulier car non seulement ne comptent que les points au dessus de la moyenne, mais le coefficient est de 3. Ainsi, un étudiant qui obtiendrait par exemple la note de 16/20 à cette matière, gagnerait 6×3= 18 points sur la note globale. Et 18 points sur un total de 380, ce n’est pas négligeable. L’étudiant qui a fait ce choix obtiendra le Bac même s’il n’a que 362 points (380 – 16), soit 9.52 de moyenne générale. Vous vous direz peut être que ce n’est pas facile d’avoir un 16 en latin au Bac ? Détrompez vous, les notes sont situées à 90 % entre 15 et 20. Pourquoi n’est ce pas équitable ? Tout le monde sait que les élèves des classes socioculturelles les plus aisées sont ceux qui choisissent plus que d’autres le latin ou le grec car ils maîtrisent certains codes. Le système a donc comme effet de donner une prime à ceux qui bénéficient déjà d’un avantage : Bourdieu appelait cela le « capital culturel »..
Arrivé à ce point de la démonstration, on se dira peut être que, finalement, les candidats en question ont fourni un travail additionnel, et donc il est normal qu’ils soient récompensés pour cela. Ce n’est pas si simple. Si le candidat a choisi un troisième langue vivante (par exemple japonais ou arabe), le surplus de points est quant à lui multiplié par seulement par deux. Pourtant, le candidat qui a choisi cette option a lui aussi fourni un travail supplémentaire. Certes, les populations issues de l’immigration pourraient elles aussi bénéficier de ce dispositif, mais le plus souvent elles ne le connaissent pas.
Que faire pour améliorer les choses ? C’est très simple : il faudrait au moins que la troisième langue vivante ait le même coefficient que les langues anciennes, de sorte à donner les mêmes avantages à ceux qui choisissent une langue ancienne et à ceux qui choisissent un troisième langue vivante. Ou alors, intégrer ces matières à la moyenne générale. L’égalité est à la base de la triade républicaine : voilà une occasion d’aller dans ce sens !
Catherine Belzung, membre du CA des SSF
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Intéressant , mais le japonais(par exemple) a-t-il en France vraiment la même valeur éducative que le latin ou le grec…?
On peut s’interroger …
PS On peut par exemple estimer que l’orthographe inexacte « comentaire » (cf le mot ci-dessous) vient moins facilement à l’esprit que « commentaire » , lorsqu’on a eu la chance de faire du latin
Le problème dans ce billet est qu’il se concentre sur le bac « S » alors qu’il y en a d’autres dans la voie générale, la voie technologique et aussi la voie professionnelle. Quand des jeunes réussissent, et cela dans toutes les voies du lycée, je ne vois pas où est le problème.
Nous avons tous investi – par nos impôts – dans cet objectif à travers le financement de l’Éducation nationale.
De nombreux pays en difficulté économique aimeraient pouvoir en faire autant. Félicitations aux jeunes et merci à ceux qui les ont formés.
PS : il est vrai que le bouton « envoyer le comentaire » (sic) est cocasse au regard du billet et de son illustration. A lui seul, il aurait suffi…
Néanmoins, je suis parfaitement d’accord avec le dernier paragraphe du billet, c’est là qu’est l’enjeu d’une réforme éventuelle du bac (des bacs).
Merci de ces commentaires. Le Bac S n’était qu’un exemple ici et je pense que le message que je voulais laisser était de donner une priorité à l’équité.. Ceci vaut bien sûr pour toutes les sections du Bac
Réflexion intéressante!
Une autre façon d’aborder le sujet est de se demander pourquoi il y a un tel coefficient aujourd’hui ?
S’il y a un tel coefficient, j’ose supposé que c’est parce qu’on le valorise comme tel. Si on remet en question ce coefficient, alors il serait bon de creuser ce que sont les apports de l’apprentissage du latin.
Par ailleurs, je conçois l’argument du « il y a un certain code » qui facilite le choix du latin, mais à l’inverse, ce code peut être vécu comme une étiquette et rebuter les élèves qui ont peur de l’étiquette (rejet de ceux qui ne font pas de latin, et donc une certaine forme d’exclusion sociale : n’est-ce pas là un vrai handicap social ?). La question n’est-elle pas plutôt : comment rendre le latin accessible par une tranche socioculturelle plus large ?
« Il y a un certain code ». Oui et non. Le latin n’est pas seulement un code social mais aussi une des bases de la culture européenne. Posséder cette langue ce n’est pas seulement hériter par son milieu de codes sociaux mais plutôt des bases de la culture commune. Du coup la question est bien de savoir comment faire aimer à tous ce soubassement commun, cet héritage qui nous façonne. L’équité se trouve repoussée d’un cran vers la pédagogie.