par Dominique Quinio
Triste jour pour les Européens, les « Européistes » comme disent certains pour les discréditer, ceux qui croient au projet européen, qui le jugent nécessaire, bénéfique, tout en étant lucides sur ses failles, ses manquements, ses insuffisances. Ceux-là ont perdu. Par référendum, le Royaume Uni a décidé de quitter l’Union européenne après plus de 40 ans d’une vie commune houleuse, sur l’air sulfureux du « je t’aime moi non plus ». Le mariage ne fut jamais un long fleuve tranquille et l’on sait bien des voisins européens pas malheureux de voir ces drôles d’Anglais quitter le navire pour se réfugier dans leur île. Pourtant le Royaume-Uni manquera à l’Europe, une et multiple, à la diversité de son image et à la complémentarité de ses peuples, caractères, coutumes. Elle manquera à sa puissance.
Mais surtout, l’Union européenne aura montré qu’elle n’a pas su convaincre les Britanniques de sa pertinence. Les résultats du référendum révèlent une terrible fracture entre les classes aisées, éduquées, les habitants des grands centres urbains et une population plus modeste, les travailleurs pauvres, une classe moyenne en souffrance qui ne croit plus (contrairement à ce que montrait le référendum de 1975) à la protection sociale du cocon européen. Le cocon, à ses yeux, est devenu carcan. Vrai ou faux? Peu importe : ni les gouvernants britanniques ni les institutions européennes n’ont su trouver le langage et les actes qui rassurent.
Le deuxième enseignement touche à la question des réfugiés et à celle des migrants. C’est une crise majeure dans le monde : le nombre de déplacés n’a jamais été aussi élevé et pèse surtout sur les pays pauvres ; mais la question des réfugiés s’est invitée à nos frontières et l’Europe n’a pas su construire une réponse commune. Ni en amont, par une politique étrangère concertée qui travaillerait à rétablir la paix et la démocratie dans les zones déchirées par la guerre, et/ou par une aide au développement qui permettrait aux candidats à l’exil de vivre dignement sur leur terre ; ni en aval, quand il s’est agi d’accueillir ces réfugiés et de les répartir dans tous les pays de l’Union.
Dans ce monde désormais tellement ouvert, où se sentent à l’aise ceux qui en ont les moyens financiers et culturels, l’Union n’a pas assez mesuré que l’appartenance nationale (voire régionale) deviendrait un refuge où l’on se sentirait rassuré. L’identité européenne est apparue en concurrence avec l’identité nationale, la dépréciant plutôt que l’enrichissant.
Enfin, la peur – utilisée comme argument par le camp du « Brexit » comme celui du « Remain » – a contribué à dramatiser le débat, sans permettre d’entrer dans des analyses plus fines et plus fécondes. Choisir de rester ou de sortir par peur de l’avenir, n’est en rien une bonne manière de construire cet avenir.
Voilà la tâche urgente qui attend l’Europe aujourd’hui, car les signes de désamour ne s’expriment pas seulement en anglais. Au-delà des conséquences du Brexit (aussi importantes soient-elles) sur les Bourses, la livre, sur le cours du pétrole ou les activités de la City, l’Europe doit se mettre en examen, se réformer, se rapprocher des peuples en les écoutant. Parce qu’elle le vaut bien. De cette crise majeure, il lui faut … sortir. Par le haut.
Dominique Quinio, présidente des Semaines sociales de France
Il parait également nécessaire de souligner la différence intergénérationnelle apparue lors de ce vote: 75 % des jeunes britanniques se sont prononcés en faveur de leur maintien dans l’union européenne !!
Comment tenir compte de ce vote ?
Il est de la responsabilité des dirigeants, chargés des négociations à venir, de ne pas décevoir toute cette jeunesse qui a clairement mis son espérance dans l’Europe plutôt que dans une île.
Briser une espérance aussi nettement exprimée pourrait être considéré comme une faute contre l’ouverture au monde et contre le supplément d’humanité auxquels aspirent toutes ces jeunes générations.
L’Europe est leur jardin de demain.
Vous avez raison d’insister sur ce point, qui devrait être aussi une leçon pour les autres responsables Européens. Comment répondre à cette aspiration des jeunes générations par un projet qui les mobilise et leur donne toute leur place. Merci
Dominique Quinio