Par Catherine Belzung
La nouvelle a fait grand bruit : le gouvernement envisage de rogner 256 millions d’euros de crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Grand bruit, car cette proposition a été dans un premier temps décriée dans une tribune parue dans Le Monde et signée par 7 récipiendaires du Prix Nobel, et par un lauréat de la médaille Fields (l’équivalent du Prix Nobel pour les mathématiques).
Les termes étaient incroyablement percutants, puisque les auteurs parlaient de « suicide scientifique et industriel ». Et les protestations de s’enchaîner, puisque cette proposition a ensuite été dénoncée par les Présidents des Conseils scientifiques des grands organismes de la recherche (CEA, CNRS, INSERM, INED, IRD) qui sont sortis de leur traditionnelle réserve. Plus frappant encore, la commission des Finances de l’Assemblé nationale a rendu un avis défavorable à la proposition. En effet, ce décret est une véritable claque à l’encontre du monde de la recherche, qui affronte déjà, depuis plusieurs années, des réductions impressionnantes de budget, contribuant à une précarité croissante des jeunes chercheurs et de leurs travaux.
Pourquoi est-ce grave ? En réalité, plusieurs aspects sont ici à dénoncer. Tout d’abord, baisser de façon aussi drastique les crédits de la recherche a mécaniquement comme conséquence que certains chercheurs n’ont plus d’argent pour réaliser leurs travaux. L’état contraint donc des fonctionnaires à la situation quasiment immorale d’être payés sans avoir les moyens de faire leur travail ! Ensuite, ne pas investir dans la recherche signifie perdre des opportunités de développer les innovations qui feront les entreprises (et donc les emplois) de demain. Et finalement, le gouvernement s’était engagé à sanctuariser le budget de l’enseignement et de la recherche : le contrat entre les engagements pris et des réalisations accomplies est donc rompu, contribuant à la rupture de confiance entre les citoyens et ceux qui les gouvernent.
Que faire ? Il est certes compréhensible que dans la période de crise que nous traversons, des ponctions soient rendues nécessaires. Cependant, concernant la recherche, d’autres sources de financement seraient envisageables. Pensons par exemple au Crédit Impôt Recherche : il s’agit de 6 milliards d’euros versés chaque année aux entreprises sous forme de déduction fiscale, pour faciliter l’emploi scientifique. Un rapport de la Cour des Compte avait déjà montré en 2013 le risque de détournement de cette niche fiscale, et montré que le dispositif n’a en réalité eu que peu d’incidence sur l’emploi scientifique. Sans remettre en cause le dispositif en question, il suffirait de vérifier de façon un peu plus stricte l’utilisation de cette manne financière et de contrôler/sanctionner les abus: il est certain que sur les 6 milliards d’euros de déduction fiscale, on parviendrait à « économiser » au moins les 256 millions qui manqueront cette année à la recherche publique ! Comme quoi, il suffit parfois de moraliser et de contrôler un peu plus les choses pour résoudre bien des problèmes !
Catherine Belzung, Responsable d’une équipe de recherche à l’INSERM
Bravo !
Tout à fait d’accord.
C’est bien, Hollande a reculé face aux chercheurs mais ce que je lis dans la presse m’inquiète : entre les 256 millions de coupes et l’annulation d’une coupe de 134 millions, le compte n’y est pas !