Par Jean-Pierre Rosa
Le rapport récent du Cnesco (Conseil national d’évaluation du système scolaire) sur les inégalités dans le système scolaire français bouscule bien des idées reçues et continue à provoquer remous et mises au point.
En effet, alors que notre pays se targue souvent d’être une lumière pour les nations, les enquêtes successives, notamment l’enquête PISA1 menée par l’OCDE, montrent que les inégalités progressent davantage en France qu’à l’étranger, notre pays se trouvant même en queue de peloton des 35 pays de l’OCDE en la matière.
A dire vrai, non seulement ce constat était déjà présent dans l’enquête PISA 2012, mais les politiques à mettre en œuvre pour remédier à cet état de fait étaient aussi présentées, résultats – déjà – à l’appui.
Pourtant, comme les chercheurs du Cnesco le soulignent, c’est justement la continuité des politiques menées depuis trente ans sur la base de présupposés idéologiques et ce sans recours à l’évaluation et la confrontation, qui pose problème. En effet, depuis 1982, les ministres successifs, gauche et droite confondues, se sont mis en devoir d’augmenter les moyens humains et financiers mis à disposition d’élèves en difficultés à travers ce que l’on appelle l’éducation prioritaire. Or, contrairement à une certaine évidence, ce sont ces politiques « compensatrices » qui sont inefficaces. Ou tout au moins qui ne peuvent être que des palliatifs à un manque plus grave dont il faut se saisir plus tôt : l’inégalité sociale.
C’est en effet en amont qu’il faut agir. Essentiellement en faisant de la mixité sociale à l’école une option clé menée de façon volontariste. C’est en tous les cas de cette façon qu’un certain nombre d’autres pays de l’OCDE, moins idéologues, et donc plus ouverts à l’évaluation et à l’expérimentation, gagnent la course de la justice sociale.
Agir en amont, prévenir. Tel est sans doute l’idée centrale à retenir de cette étude. Créer les conditions d’une éducation réussie et non y remédier. Les politiques d’éducation prioritaire qui cherchent à guérir le mal sont en réalité extrêmement coûteuses, et peuvent être, au final, stigmatisantes, ce qui les risque de les rendre contre productives. En outre, menées par des professeurs souvent inexpérimentés, elles souffrent d’un manque de considération et de savoir faire pédagogique.
Dans l’éducation nationale – tout comme dans la politique de santé – la prévention et l’évaluation sont les parents pauvres de nos systèmes. Sans doute faut-il y voir la marque d’une pensée tellement sûre d’elle qu’elle ne voit même plus les présupposés idéologiques de son fonctionnement et ne cherche guère à expérimenter et évaluer des solutions innovantes mais dérangeantes pour la pérennité de ses acteurs.
Jean-Pierre Rosa, de l’équipe de la Tribune des SSF
1Le programme PISA (Program for International Student Assessment) est un ensemble d’études triennales menées par l’OCDE depuis l’an 2000 visant à mesurer les performances des systèmes éducatifs des pays membres et non membres.