Par Paul Champsaur
Notre école primaire et secondaire fonctionne mal. Trop d’élèves ne suivent plus pendant le primaire et décrochent au collège. Ils sortent du système scolaire souvent sans diplôme et en ayant peu appris ; même pas la lecture et l’écriture. Le statut économique, social et culturel des parents a un pouvoir explicatif sur les performances scolaires des enfants nettement plus élevé en France que dans les autres pays de l’OCDE. Le handicap éventuel légué par les parents est moins corrigé par l’école en France. Les écarts de performance concernent particulièrement les zones d’éducation prioritaire. Les enfants d’immigrés d’origine africaine sont évidemment touchés mais le phénomène les dépasse très largement.
Ce groupe correspond à peu près aux « décrocheurs du secondaire », les jeunes qui n’ont pas terminé avec succès leur secondaire. Une majorité n’a aucun diplôme et ceux qui ont obtenu un BEP ou un CAP ont échoué ou abandonné ensuite. Ce groupe comprend un peu plus de 20% d’une classe d’âge sachant que ceux qui n’ont aucun diplôme en représentent environ 12%. Ce groupe est plutôt masculin (60% de garçons) et ses membres ont eu de grosses difficultés scolaires dès la fin du primaire et le début du collège. Cette proportion est plus élevée en France que dans la moyenne OCDE, ce qui n’est pas glorieux. Elle est beaucoup plus élevée que dans le Nord de l’Europe, y compris l’Allemagne, avec lesquels nous avons l’habitude de nous comparer.
Parmi les jeunes sortis sans diplôme du secondaire, 47% étaient chômeurs en 2012 dans les 4 ans qui suivaient. Les emplois qu’ils occupent sont très précaires. Les mesures de politique de l’emploi pour favoriser l’insertion des jeunes sur le marché du travail se sont succédées. Leur évaluation fait apparaître l’importance de la formation pour leur efficacité et donc l’intérêt de l’apprentissage ou de la formation en alternance. L’amélioration de la formation des jeunes en question doit être une priorité de la politique publique. La formation initiale donnée par l’éducation nationale a un rôle à jouer dès le primaire. D’autres pays font beaucoup mieux que nous tout en maintenant le niveau des meilleurs. C’est donc possible. La formation initiale reçue par les élèves les moins performants s’est détériorée ces dernières années. Ce ne sera donc pas facile.
En outre, il faut s’occuper de ceux qui continueront à sortir du système scolaire normal avec une formation très insuffisante. Il faut leur proposer une gamme de formations soit par les politiques de l’emploi, soit par l’éducation nationale. Cette dernière devrait proposer systématiquement aux jeunes qui le souhaiteraient de reprendre leurs études et de préparer un diplôme du secondaire, notamment le baccalauréat, dans des organismes bien distincts des lycées et avec des enseignants spécifiques. Des pays voisins le font. La proportion de jeunes sans qualification en formation entre 25 et 29 ans est faible en France (1%) par rapport à la moyenne de l’OCDE (7%). Elle dépasse 10% en Allemagne, au Danemark, en Finlande, aux Pays-Bas, au Portugal, en Slovénie et en Suède. Certains pays favorisent donc la reprise des études chez les jeunes adultes et ont une proportion significative de diplômés du second cycle de l’enseignement secondaire âgés d’au moins 25 ans. L’échec scolaire a des conséquences défavorables sur la relation des jeunes avec la société, sur leur confiance dans les institutions républicaines dont l’école est le premier exemple pour eux.
« L’amélioration de la formation des jeunes en question doit être une priorité de la politique publique ». Il serait difficile de soutenir le contraire. Mais la grande question reste : comment fait-on ? Car cela fait des décennies que tous les gouvernements ont promis de le faire, et on parfois eu la sincère conviction de l’avoir fait. Manifestement sans que les résultats suivent.
La généralisation de l’apprentissage, comme voie *normale*, est sans aucun doute une des pistes principales. Mais il faut pour cela commencer par accepter de renoncer à certains objectifs qui verrouillent le système, comme le tristement célèbre « 80% d’une classe d’âge au bac » qui a été désastreux. En outre, cette piste ne pourra suffire à elle seule. En effet si on la systématise, on enferme l’éducation dans un rôle seulement utilitaire, celui de préparer à un métier. Or cela ne suffit pas. Il est essentiel aussi, dans le même temps, de développer la culture générale. Le Président recteur de la Catho de Lille Pierre Giorgini le dit très bien.